mardi, avril 16 2024

Le littéralisme, comme nous venons d’en avoir une illustration, peut conduire à une croyance ou à une pratique en même temps qu’à leur contraire. C’est une approche intellectuellement inadmissible, tout simplement parce qu’elle est un refus de l’interprétation, donc de l’intelligence. Prenons deux autres exemples « Dis-leur que, dans ce qui m’a été révélé, je ne trouve d’interdit, à aucun consommateur d’en manger, que la bête morte [non sacrifiée], ou le sang coulé, ou la chair de porc, étant impure, ou ce qui par déviance a été sacrifié à autre que Dieu […][1]. »

Ce passage, pour un littéraliste, est limpide. Il signifie qu’il n’y a d’autres viandes interdites que celles évoquées dans le verset. Soyons alors littéralistes jusqu’au bout ! Si l’on s’en tient à la lettre de ce verset, l’anthropophagie ne ferait pas partie des pratiques interdites ! De même, le Coran interdit le khamr[2], une boisson alcoolisée composée essentiellement de dattes, si l’on se limite aux circonstances de la révélation. En poussant la logique littéraliste jusqu’au bout, on peut alors considérer que la cocaïne ou toute autre drogue dure est licite puisqu’on ne la trouve pas parmi les interdictions du Coran précitées.

Dans ces deux cas, le littéraliste ne peut que conclure que la chair humaine et la cocaïne sont consommables parce qu’elles ne sont pas interdites par le Coran, puisque Dieu ne peut pas avoir oublié de les mentionner, puisque comme le dit la lettre du verset : « Ton Seigneur n’oublie rien[3] ! » Voilà les absurdités de ce genre de raisonnement qui est le résultat du refus de l’interprétation, de l’analogie et autres méthodes herméneutiques. Non seulement le littéralisme est une erreur intellectuelle, mais il est aussi une faute morale. Il refuse l’usage de la raison qui fait de l’être humain ce qu’il est, un être singulier dans l’ordre de la Création, à l’image de Dieu Lui-même[4].

1. Coran (6, 145).

2. Coran (2, 219) ; (5, 90 et 91).

3. Coran (19, 64).

4. Un fait théologique sur lequel nous reviendrons dans le chapitre suivant.

Appel à la réconciliation : Foi musulmane et valeurs de la République française – Tareq Oubrou – Édition Tribune Libre Plon 2019 – p28 à 29

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