vendredi, mars 29 2024

Le Coran est la Parole incréée de Dieu, selon la doctrine orthodoxe. C’est à dire un Verbe qui vient de l’Essence (dhât), elle-même, de Dieu. Ce Verbe divin a inexplicablement fait irruption dans le monde et l’histoire des hommes, s’étalant sur une période d’environ 23 années. Le Prophète lui-même ne s’y attendait pas. Ce Verbe s’exprime dans une langue et une histoire du peuple arabe d’alors. C’est là un mystère ontologique total du Coran : un Verbe de Dieu, mais qui n’est pas Dieu. En effet, le Coran n’a jamais été confondu avec Dieu par les musulmans comme ce fut le cas pour les chrétiens, pour qui le Verbe s’est fait Dieu, par Incarnation.

Fragments par fragments, le Coran accompagnait le Prophète pour le soutenir, l’orienter et répondre ainsi aux différentes situations. Il est resté en en lien étroit avec la réalité. Sans anticiper l’histoire il descendait de manière pédagogique, en phase avec les événements. À la phase mecquoise son Coran et à la phase médinoise le sien. Les enseignements évoluaient au fil des circonstances du « moment coranique ». Ils venaient répondre à des réalités différentes, voire opposées. À cet égard, ce n’est pas le Coran qui est contradictoire mais sa réalité historique. On parle alors des circonstances de la descente (asbâb an-nuzûl). Il s’agit d’une Parole Absolue et sacrée dans son origine, relative et historique dans son expression.

Cette réalité scripturaire du Coran est encore plus valable pour la Sunna. Le Prophète vivait ou répondait à différentes situations. Parfois ses réponses étaient personnelles, parfois il intervenait en tant que Prophète. Ses réponses appropriés vont jusqu’à s’adapter à des cas individuels bien précis et à un moment donné. On parle alors de contexte du Hadith (asbâbe al-wurûd). Ignorer l’histoire et le contexte du Coran et de la Sunna conduirait à absolutiser ce qui est relatif sous prétexte qu’il s’agit de Textes sacrés ; ou bien relativiser ce qui est universel, notamment en matière de droit et d’éthique. Le « moment coranique » est un concept marqué par la culture des Arabes préislamiques. Cette dernière est essentielle pour comprendre comment le Coran a « négocié » ses enseignements en s’adaptant à son contexte, en matière linguistique, vestimentaire, rapport hommes-femmes,…

Des versets coraniques abrogés ont été gardés dans le corpus du Coran pour indiquer justement ce « principe de réalité » qui consiste à changer la loi en fonction de l’évolution des situations. On trouve le même procédé dans la Sunna. Le maintien de ces textes, dans le corpus du Coran et de la Sunna, malgré l’annulation de leur effet normatif fonde et légitime à ce titre le principe d’évolution et d’adaptation des enseignements scripturaires en fonction de l’évolution de l’histoire. Cette règle fut traduite par la formule canonique : « les fatwa change en fonction des individus, des époques, des coutumes.. »

23 Novembre 2015, ZAMAN FRANCE

Tareq Oubrou

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