samedi, novembre 23 2024

Le Coran est un esprit qui traverse le temps. Le Coran se qualifie comme un esprit de Dieu (s. 42, v. 52). Un souffle qui a fait irruption dans une culture arabe, aujourd’hui éteinte. Mais le Message coranique reste de portée universelle.

En effet, Dieu du Coran n’est pas un dieu communautaire, qui serait celui des seuls musulmans ; ni ethnique, celui des seuls Arabes. Il est Dieu de tout le monde (rabbu al-‘âlamîn).

Traduire le message du Coran

L’exégèse consiste à expliquer le Coran depuis son univers de révélation. La réforme (tajdîd), quant à elle, consiste à traduire son message dans la culture du temps. En effet, le Coran présente des enseignements en même temps qu’il suggère une pédagogie qui consiste à prendre en considération le contexte culturel.

Il l’a fait avec les coutumes et les mentalités des Arabes d’alors. Cette prise en considération n’est pas une canonisation de la culture arabe. Elle ne doit pas être prise comme un étalon à reproduire comme étant une condition pour une application fidèle et intégrale de tous les enseignements du Coran et de la Sunna.

Ce serait confondre le message universel du Coran avec son enveloppe culturelle circonstancielle, qui a permis sa réception et sa transmission à une époque donnée, celle du moment coranique.

Notre Histoire n’est pas notre code

Seuls le Coran et la Sunna restent des références immuables de l’islam, et non pas la culture et l’environnement de leur énoncé. Cependant, il est établi que la coutume est normative (al-‘âda charî’a muhakkama), à une seule condition : elle ne doit pas étouffer l’esprit universel du Coran. Elle doit permettre sa circulation pour atteindre d’autres cultures.

À cet égard le salafisme est un retour à l’esprit du message coranique et non pas à son Histoire (asbâbu an-nuzûl). Car, à l’origine, l’islam est une religion (dîn), mais l’Histoire a voulu qu’il naisse avec une logique d’« État ». En effet, d’une religion l’islam est devenu une civilisation triomphante et dominante. C’est dans ce contexte que l’essentiel de l’interprétation des textes (Coran et Sunna) a été élaboré ; et la théologie (ʻusûl ad-dîn) et le droit canon (fiqh) ont été formalisés.

Pendant plusieurs siècles, l’islam parlait surtout avec les musulmans et subsidiairement avec ses minorités religieuses (ahl adh-dhimma). Depuis l’effondrement de la civilisation arabo-musulmane, ou ce qui en restait, la pensée musulmane classique ne parvient plus à répondre au défi de la modernité. Elle s’est contentée de battre en retraite.

Une théologie d’altérité, un changement de paradigme

La mondialisation n’est qu’une occidentalisation qui continue, mais d’une manière agressive et accélérée. Avec elle, notre humanité se révèle brutalement à elle-même dans toute sa diversité, son imprévisibilité et sa complexité.

Les nouvelles technologies de communication et de transport, de plus en plus sophistiquées, ont produit une intrication quantique des cultures et des religions. Ce phénomène a conduit à une abolition du temps et de l’espace classiques, qui a rendu ainsi le destin de notre humanité unifié et plus que jamais lié.

Cette nouvelle configuration appelle un discours théologique qui ne doit plus se contenter de parler aux seuls musulmans, notamment « pratiquants », mais à un monde où les musulmans s’y trouvent minoritaires, vivant dans des situations et selon des niveaux de foi et de pratique différents.

Ainsi, parler à la communauté spirituelle musulmane française, c’est aussi parler à toute la société française, car nous habitons désormais une « société-monde ».

Cette théologie est celle de l’altérité qui fait place à l’autre, le non-musulman, dans l’économie de la foi et des pratiques musulmanes dans la perspective d’une visibilité acculturée et non celle de la rupture.

Un islam au-delà de l’identitaire

Le sentiment d’injustice né d’une exclusion réelle pourrait pousser certains musulmans au repli. La tentation de faire une société parallèle (écoles privées communautaristes, économie parallèle…) est grande. Elle pourrait trahir les valeurs mêmes de l’islam si, au lieu de le concevoir comme une religion de partage et de lien, on en ferait un bouclier identitariste de protection.

Cette crispation communautariste est le pire qui puisse arriver à une religion, dont le Dieu se présente comme Celui des univers et dont le Prophète est une miséricorde généreuse et gracieuse au monde entier (rahmatan lil ‘âlamîn) : croyants et non-croyants.

Tareq Oubrou | Mercredi 6 Avril 2016 – SaphirNews

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