La doctrine ou la dogmatique (el-‘aqîda) est la dimension prééminente, prioritaire de l’islam. L’islam est d’abord un ensemble de croyances. On devient musulman par l’adhésion idéelle, sensible, voire par conviction intuitive ou instinctive, par l’assentiment du cœur à un ensemble de vérités métaphysiques révélées, touchant principalement les champs de l’Unicité de Dieu, des Prophètes, des Anges, de la Résurrection et du Jugement Dernier…
La science qui s’occupe de cette dimension est la dogmatique ou la théologie musulmane (‘ilm al-kalâm), appelée fondements de la religion (‘ûsûl a-dîn) ou encore, science de l’Unicité (‘ilm at-tawhîd). Abu-Hanîfa l’a appelée « science suprême » (al-fiqh el-akbar) pour la distinguer de la science des lois (fiqhu el-furû‘e). Tout le message de l’islam repose sur ce domaine de la connaissance théologique fondamentale. Il en découle deux dimensions majeures : 1) la connaissance de la voie qui mène à Dieu, c’est la sharia et, 2) la béatitude éternelle à laquelle mène ce cheminement spirituel et donc les promesses divines eschatologiques, domaine sotériologique . Cette connaissance n’est pas de l’ordre de la situation mais d’un doctrinal absolu.
Par conséquent, aucune adaptation de fond ni dérogation substantielle en fonction d’un quelconque contexte culturel ou sociologique ne sont en principe admises, car il s’agit de vérités irréductibles à la société ou à la culture. Toutefois, l’interprétation spéculative des Textes, usant de la raison comme moyen d’approche offre une étendue d’interprétations théologiques.
C’est à ce titre que le contexte moderne pourra orienter notre rapport avec les diverses lectures théologiques. En ce domaine, nous devons aussi nous orienter vers une « orthodoxie minimaliste ». S’il y a donc une adaptation à effectuer au niveau de la doctrine c’est uniquement dans la forme de son exposé didactique, son style et sa formulation par le renouvellement sémantique de sa signification. Pour cette raison, la doctrine du khalaf, qui adopte une théologie spéculative, sera prise comme une « dérogation théologique ».
Il faut parler aux différentes générations le langage théologique qu’elles sont susceptibles de comprendre . La fatwa touche également au domaine théologique, par exemple les choix que nous pouvons avoir sur les questions de la théologie de la différence, de l’altérité, de la diversité et de la tolérance. Une réflexion sur les fondements théologiques pour une bioéthique musulmane touchant aux notions de la vie, de la mort, de la personne humaine, de la liberté…
Et contrairement à une idée répandue, la doctrine musulmane (al-‘aqîda), comme le domaine de la sharia et même celui de la mystique, fait aussi l’objet d’un ijtihâd continue par le biais de fatwas, et l’erreur en ce domaine n’est pas systématiquement synonyme de déviance ou d’hétérodoxie , encore moins d’excommunication !
«SHARIA DE MINORITÉ» : RÉFLEXION POUR UNE INTÉGRATION CANONIQUE DE L’ISLAM EN « TERRE LAÏQUE » – 2003 – TAREQ OUBROU