vendredi, décembre 13 2024

Cette question se résume par deux vocables coraniques : al-walâya (l’alliance, l’allégeance, la fidélité) et al-barâ’a (le désaveu, la rupture). Leur signification varie selon le contexte de leur utilisation, en fonction des circonstances de la révélation du verset et du public cible du moment coranique. Dans le Coran, les ruptures d’alliance sont toujours des ruptures politiques momentanées, motivées par les circonstances.

Elles ne concernent pas uniquement les gens du Livre ou les païens : plusieurs versets parlent aussi de rompre l’alliance avec d’autres croyants musulmans. En effet, certains musulmans étaient restés à La Mecque, refusant de rejoindre la communauté musulmane instituée au sein d’une entité politique à Médine, où ils auraient pourtant été mieux protégés. On parle ici de rupture d’une alliance dans le sens où les musulmans de Médine n’avaient aucune obligation, ni morale ni politique, de venir au secours des musulmans mecquois en cas de guerre avec d’autres tribus non musulmanes1. Ces derniers constituaient une entité séparée de la communauté politique de Médine, même si tous appartenaient à une seule et même communauté religieuse et spirituelle. Cela veut dire aussi que l’ennemi politique d’une communauté musulmane particulière n’est pas forcément celui de toute la Umma. C’est dans ce sens qu’il faut comprendre la parole du Prophète disant qu’il rompt son alliance avec le musulman qui vit parmi les polythéistes2 : il désignait ainsi ces musulmans qui ne voulaient pas rejoindre le territoire de Médine, où ils vivraient leur religion en toute sécurité.

Le Prophète, en tant que chef politique, n’avait pas l’obligation de les défendre. La situation était différente pour les juifs de Médine, qui faisaient partie de la même entité politique grâce à une alliance avec les musulmans. Ce qui est interdit à un musulman, c’est l’alliance politique avec l’ennemi en temps de guerre, ou encore une alliance religieuse doctrinale dogmatique qui serait une forme de syncrétisme. Beaucoup de tribus polythéistes, pendant la trêve de Hudaybiyya, ont conclu une alliance politique avec les musulmans. Ce fut le cas de la tribu Khuzâ‘a. Elle fut massacrée par une tribu alliée des Quraysh, avec le soutien de ces derniers. Les musulmans, selon les termes du contrat en vigueur, prirent les armes pour défendre leur alliée, pourtant polythéiste. Ce fut la raison de la conquête de La Mecque, qui se déroula pacifiquement et sans effusion de sang, avec un pardon général et sans obligation de conversion.

Le Prophète dit aux Quraysh, après qu’ils eurent reconnu leurs torts : « Partez, vous êtes libres3 ! » Nous pouvons en déduire que la double allégeance, politique et religieuse, n’est pas antinomique. Un musulman peut avoir une adhésion citoyenne totale à une nation ou à un pays, quel qu’il soit, tout en conservant son allégeance spirituelle totale à l’islam comme religion. Ces deux types d’alliance relèvent de deux répertoires différents, mais non opposés.

1. Coran (8:72).
2. Rapporté par Abû Dâwûd, n° 2646.
3. Rapporté par Al- Bayhaqî.

Ce que vous ne savez pas de l’Islam – Edition Fayard – Tareq Oubrou – p106,107,108

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