vendredi, décembre 13 2024
[…] Or le Coran appelle à ne pas désespérer de Dieu quels que soient le nombre et la gravité des fautes commises[1], la foi étant synonyme d’espérance. Le Prophète, à l’instar du Coran, a fait la même chose. Quand il a annoncé l’obligation du pèlerinage à La Mecque, une personne lui a demandé si c’était une obligation annuelle. Et lui de répondre, courroucé : « Ne posez pas de questions tant que je ne vous ai rien dit. Car si je vous disais oui, alors le pèlerinage vous serait une obligation annuelle[2] ! Certaines communautés avant vous se sont égarées à cause de leurs questions abusives et de leur polémique autour de leur Prophète. Si je vous demande quelque chose pratiquez-en ce que vous pouvez, et ce que je vous ai interdit écartez-vous-en […][3]. »
Effectivement, le « moment coranique » a été une période théologiquement sensible et grave par essence. Il n’y fallait pas provoquer la révélation tous azimuts sur des sujets normatifs. Car ils auraient engagé les musulmans qui viendraient après et qui se verraient obligés de se conformer à des lois peut-être uniquement circonstancielles, mais qui auraient pu être comprises comme absolues. C’est à ce titre que le Prophète a précisé : « Le plus dévoyé – subversif – parmi vous est celui qui pose une question sur une chose qui n’était pas interdite et qui le deviendrait à cause de son obstination à en connaître la réponse[4]. » Je ne peux dénombrer ici le nombre de textes qui mettent en garde contre l’obsession législative. « La religion est – censée être – facile, et celui qui veut la rendre difficile sera fatalement vaincu […][5] », prévient encore le Prophète. Notons que même les enseignements scripturaires établis ne sont pas systématiquement des obligations et ne sont pas tous à pratiquer, comme nous l’avions indiqué dans le premier chapitre.
Mais il y a des musulmans qui n’entendent pas les enseignements du Coran et du Prophète ou ne veulent pas les écouter. Ils ne le font qu’en fonction de leur désir en se prenant pour des héros. Arrogants, ils préparent leur propre chute et vont témérairement à leur ruine spirituelle. Ils finiront un jour par se lasser, se briser sur le rocher d’une réalité imprévue ou tout simplement verront s’évanouir leur foi progressivement sous l’effet de l’érosion des événements et de l’usure du temps. Le sage bédouin ne s’encombre pas de bagages quand il se prépare à traverser le désert.
 
1. « Dis : “Ô Mes serviteurs, ceux qui ont commis des excès – de péchés – contre eux-mêmes, ne désespérez pas – jamais – de la miséricorde de Dieu, car Dieu pardonne tous les péchés. C’est Lui le Clément, et le Très Miséricordieux, par excellence.” » Coran (39, 53.)
2. Une autre variante : « Si je vous disais oui, alors il deviendrait une obligation et vous ne pourriez pas l’accomplir ! » (Muslim via Abdullah ibn Omar, Ikmâl al-mu‘lim, de Al-Qâdî Ayyâd, Dâr al-Wafâ, al-Mansoura (Égypte), 1998, t. IV, no 1337, p. 443-444.)
3. Bukhârî et Muslim via Abu-Huraïra, Al-jam’e baïna as-sahihaïn d’Omar Al-Mawsîlî,maktabat al-ma’ârif, première édition, 1998, Riyad, t. I, no 440, p. 194.
4. Muslim via Saad, Ikmâl al-mu‘lim bi fawâ’id muslim d’Al- Qadî Ayyad, Dâr al-Wafâ, Al-Mansûra (Égypte), 1998, t. VIII, no 2358, p. 328-329.
5. Bukhârî via Abu-Huraïra in Fath al Barî d’Ibn-Hajar, Dâr al- Fikr, Beyrouth, 1990, t. I, no 39, p. 130.
 
Appel à la réconciliation : Foi musulmane et valeurs de la République française – Tareq Oubrou – Édition Tribune Libre Plon 2019 – p112-114
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