Il y a dans le Coran des passages qui laissent entendre que toute personne est soumise au destin, lequel destin pourrait être compris comme un fatalisme insurmontable, alors que d’autres passages affirment que les hommes sont dotés d’un libre arbitre.
D’un côté, le Coran souligne que la volonté humaine est soumise à celle de Dieu : « Et vous ne pouvez vouloir que si Dieu veut, Seigneur des mondes[1] » ; de l’autre côté, il affirme que l’homme a la faculté de choisir : « Dis que la vérité vient de Dieu et que celui qui veut croire, libre à lui de croire ; et que celui qui ne veut pas croire, libre à lui de ne pas croire[2]. »
La lecture réconciliatrice consiste à considérer que l’homme n’est responsable que dans la marge de liberté qui lui a été donnée, de par sa condition individuelle, biologique, sociologique, intellectuelle, familiale, éducative, etc. Mais seul Dieu possède la volonté et la liberté absolues ; celles des hommes sont relatives. Autrement dit, l’homme est conçu par son créateur pour être libre. Nous avons ici la réconciliation entre la volonté programmatrice de Dieu et la volonté humaine inscrite dans ce même programme de Dieu. La liberté de l’homme ne vient pas de lui, mais de celui qui l’a créé. Néanmoins, il reste libre donc responsable, une responsabilité proportionnelle à son degré de liberté.
Certains musulmans pensent qu’ils sont à l’origine de toutes leurs réussites et imputent à la volonté de Dieu leurs échecs. Ainsi convoquent-ils tantôt un texte et tantôt son opposé, et pratiquent un littéralisme sélectif selon les situations. Des « musulmans victimaires » se cachent ainsi derrière un déterminisme sociologique qu’ils appellent le maktub, une interprétation du destin absente de la théologie musulmane. Cette stratégie n’a pour objectif que de s’affranchir de leur responsabilité en rendant les autres coupables de leur propre misère. Or, théologiquement et éthiquement, la responsabilité incombe d’abord à l’individu avant d’être collective : « Chaque personne est responsable de ce qu’elle a fait[3] », rappelle le Coran.
Il est énoncé dans le Coran que dans l’au-delà l’homme sera jugé individuellement, livré seul à ses actes[4]. Selon la dogmatique musulmane, le salut ne passe ni par un peuple ni par une Église, mais par le seul libre arbitre de la personne. On peut dire que l’islam est théologiquement tout sauf un communautarisme.
1. Coran (81, 29).
2. Coran (18, 29).
3. Coran (74, 38).
4. « Et nous hériterons tous de ce qu’il prétend posséder et il viendra à nous, seul […]. Et au Jour de la Résurrection, tous viendront seuls à lui », Coran (19, 80 et 95).
Appel à la réconciliation : Foi musulmane et valeurs de la République française – Tareq Oubrou – Édition Tribune Libre Plon – p26 à 27