C’est pour cette raison qu’il y a en matière de croyances une règle que le Coran respecte presque tout le temps : présenter une croyance (un dogme) comme un point de départ, un espace de réflexion et de médiation, voire d’interrogation, qui s’accompagne d’argumentation discursive, parabolique, analogique, etc. Pour ce qui est de la preuve de la résurrection demandée par Abraham, Dieu lui répond par un fait qui le convainc[1]. Mais comment ensuite persuader un simple croyant qui n’est pas prophète et n’a pas accès au miracle[2] ? Pour ce faire, le Coran donne des exemples (amthâl[3]) et des analogies comme l’expérience du sommeil, présenté comme une petite mort, et le réveil comme une petite résurrection pour signifier que la mort n’est qu’un long sommeil qui sera suivi d’une grande résurrection[4]. Et comme le Coran est un livre ouvert sur la nature, il présente celle-ci comme la scène même de cette alternance de la mort et de la renaissance, de dégénérescence et de régénération[5], avec un langage accessible aux contemporains de Mahomet[6]. Peu importent les conclusions que la personne en tire, qu’elle y adhère ou pas. L’essentiel est de chercher et de réfléchir. Détenir la vérité n’est pas une obligation. En dehors de ceux qui refusent de se poser des questions, les croyants qui réfléchissent risquent d’être déstabilisés par certains dogmes. Beaucoup de pratiques peuvent également être perturbantes. Ce qui intéressait le plus Abraham le croyant n’était pas les ordres de Dieu en tant que tels, mais ses intentions.
1. Coran (2, 260).
2. Le miracle est un phénomène qui ne s’explique pas rationnellement. Généralement, il est perçu et reçu comme une exception faite aux enchaînements des faits naturels.
3. « […] Et Dieu donne des exemples [des paraboles] pour les gens afin qu’ils se rappellent », Coran (14, 25).
4. « Dieu prend les âmes lors de leur mort ainsi que celle qui ne meurt pas lors de son sommeil, Il retient celle qui subira la mort et relâche l’autre jusqu’à terme fixe. Il y a en cela des signes pour ceux qui réfléchissent », Coran (39, 41).
5. On connaît aujourd’hui quelques animaux qui peuvent régénérer une partie de leur corps, comme la salamandre, capable de refaire « pousser » sa queue lorsqu’elle la perd. Mais l’exemple le plus étonnant est celui de la méduse Turritopsis nutricula, une vraie curiosité de la nature, car elle est capable grâce au mécanisme de transdifférenciation cellulaire d’inverser le processus de la vieillesse et de revenir dans le temps afin de régénérer sa structure entière à partir de l’état de polype, son premier stade de vie, et cela de façon indéfinie.
6. « Parmi ses signes, le fait que tu observes la terre inerte, puis aussitôt que nous faisions descendre l’eau sur elle, celle-ci se soulève et croît [allusion aux plantes]. Celui qui la ressuscite est capable de ressusciter les morts. Car il est omnipotent », Coran (41, 39).
Appel à la réconciliation : Foi musulmane et valeurs de la République française – Tareq Oubrou – Édition Tribune Libre Plon 2019- p55 à 56