Les Textes de l’islam parlent de la fitra : l’« innocence originelle ».
L’homme est bon, mais il a une tendance à faire le mal et se montre capable de le réparer(1). Il est bon individuellement, puis transformé par la société, l’éducation, etc. Cette vision musulmane est l’ancêtre de ce que Jean-Jacques Rousseau appela l’« état de nature(2) », justement pour se démarquer du péché originel.Il faut reconnaître cependant que de grands théologiens chrétiens ont apporté des nuances au dogme du péché originel.
Thomas d’Aquin soutient que le mal n’a pas d’essence et qu’il provient du bien par accident. Il n’est pas efficient, mais déficient, et s’il est une cause il ne l’est que de manière contingente.Thomas d’Aquin pense comme les théologiens musulmans scolastiques, bien avant lui, que le bien est la cause et la fin de toute chose. Et par conséquent il n’y a pas de mal suprême, puisque tout vient de Dieu et revient à Lui, qui est le bien suprême(3).
Plus radicalement, il n’y a pas de mal métaphysique. Et sur ce point on ne peut qu’être d’accord, même si nous ne sommes pas sur la même économie théologique.Puisque Dieu est bon, son oeuvre l’est aussi. Cette bonté primordiale et finale de Dieu est soulignée dans une longue prière du Prophète où il dit : « Tout le bien se trouve entre tes mains (Dieu) tandis que le mal ne peut provenir de toi (Dieu)(4). » Et si Dieu ne fait pas le mal, sa création n’en contient pas dans le sens métaphysique radical, essentiel et ontologique, si ce n’est dans les moyens et les accidents. Le mal est donc éphémère, il peut être d’une violence extrême, mais jamais radical et éternel. On dit souvent que toutes les bonnes choses ont une fin. Selon notre théologie : tout malheur a une fin.
1. « Nous avons créé l’homme selon l’être le plus parfait, puis nous l’avons ramené au niveau le plus bas sauf ceux qui croient et accomplissent les actes justes », Coran (95, 4). Dire que Dieu a ramené l’homme au niveau le plus bas, cela signifie qu’il a créé en lui une prédisposition à l’inclinaison vers la faute la plus extrême, tout en lui donnant la faculté et la capacité de se redresser grâce à la foi et à l’action.
2. L’homme de Rousseau est naturellement bon, dépravé par les changements survenus dans sa constitution, les progrès qu’il a faits et les connaissances qu’il a acquises (Jean-Jacques Rousseau, Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes, note no 9, p. 160).
3. Thomas d’Aquin, Somme contre les gentils, Livre III, La Providence, traduction Cyrille Michon, GF Flammarion, 1999, chap. 10-17, p. 72-91.
4. Muslim via Ali ibn Abî Taleb, Ikmâl ikmâl al-mu‘lim, commentaire de Muslim de Mohammed ibn Khlîfa Al-Ubbî, Dâr al- Kutub al-‘Ilmiyya, Beyrouth, 1994, t. III, no 771, p. 108-110.
Appel à la réconciliation : Foi musulmane et valeurs de la République française – Tareq Oubrou – Édition Tribune Libre Plon – p132 – 133