(Diplopie : le fait de voir double, de voir simultanément deux images d’un seul objet, ndlr)
La réalité détermine le rapport à la transmission, à l’interprétation et à la mise en pratique des enseignements religieux. La mépriser, c’est mépriser les enseignements du Coran et de la Sunna. Le principe du Coran mecquois et le Coran médinois et celui des circonstances de la révélation (asbâbu an-nuzûl) se trouve au fondement de toute une épistémologie de la réalité pour une méthodologie d’élaboration de discours en phase avec la réalité. L’éducation doit obéir à ce principe de réalité, laquelle réalité est cinétique par essence (cinétique, énergie produite par le mouvement, ndlr). Par conséquent, comprendre le Texte dans l’univers du Texte est une chose, le comprendre ici et maintenant c’en est une autre. La première étape relève d’une herméneutique fondamentale : une simple exégèse (tafçir) ou commentaire (charh) des sources scripturaires. Cette approche est incontournable mais elle ne peut être seule source d’éducation tant qu’elle ne passe pas à la deuxième étape, celle d’une herméneutique appliquée, traduite dans le langage de l’époque et la culture du temps.
À cet égard, se tromper dans l’interprétation de la réalité c’est se tromper d’interprétation des sources scripturaires, et donc d’éducation religieuse. Un œil sur le Texte, l’autre sur le contexte, peut conduire en effet à un strabisme herméneutique. C’est pour cette raison que le théoricien qui pense les bases et le contenu de l’éducation doit fournir un effort extrême (ijtihad) pour atteindre une harmonie ou une synergie visuelle de la Raison pour éviter justement une diplopie herméneutique, laquelle mènerait à un projet d’éducation d’aliénation.
Quelle éducation musulmane au XXIe siècle ? Enjeux et préconisations Septembre 26, 2015 – Tareq Oubrou Grand Imam de Bordeaux