dimanche, novembre 24 2024

Nous, signataires de cet appel, voudrions tout d’abord exprimer notre compassion pour tous nos concitoyens qui ont été touchés directement ou indirectement par le terrorisme et par les crimes antisémites qui ont frappé aveuglément notre pays.

Si nous avons décidé de prendre la parole, c’est parce que la situation, pour nous, devient de plus en plus intenable ; et parce que tout silence de notre part serait désormais complice et donc coupable, même s’il ne s’agissait jusqu’à présent que d’un mutisme de sidération.

Indignés, nous le sommes en tant que Français touchés par ce terrorisme ignoble qui nous menace tous. Nous le sommes aussi en tant que musulmans, comme le reste de nos coreligionnaires, musulmans paisibles, qui souffrent de la confiscation de leur religion par des criminels.

Notre indignation est aussi religieuse en tant qu’imams et théologiens qui voyons l’islam tomber dans les mains d’une jeunesse ignorante, perturbée et désœuvrée. Une jeunesse naïve, proie facile pour des idéologues qui exploitent son désarroi. Désespérés, n’ayant pas trouvé de sens à la vie, ces théoriciens d’une géopolitique du chaos lui proposent un sens dévoyé du martyr : un suicide déguisé, comme délivrance de la souffrance existentielle. Un acte qui ne serait qu’une mort appliquée à des enjeux puremenut politico-économiques. Or théologiquement parlant, le martyr est celui qui subit injustement ou subitement la mort, et non celui qui la recherche et la provoque.

Tentation mortifère

Nous l’avertissons ici contre cette tentation mortifère et l’appelons à bien écouter et entendre la mise en garde du Prophète qui dit que : « Le musulman qui porte atteinte à la vie d’une personne innocente vivant en paix avec les musulmans ne sentira jamais le parfum du Paradis. » Cette sentence sans appel dissuade et prévient sans équivoque celui qui penserait à ôter la vie d’autrui, que ce n’est pas un Paradis et des Houris qui l’attendraient mais un Enfer et ses tourments.

Le vrai sacrifice est de se donner pour les autres, comme l’a fait notre héros national, le colonel Arnaud Beltrame.

Depuis plus de deux décennies, des lectures et des pratiques subversives de l’islam sévissent dans la communauté musulmane, générant une anarchie religieuse, gangrenant toute la société. Une situation cancéreuse à laquelle certains imams malheureusement ont contribué, souvent inconsciemment. Le courage nous oblige à le reconnaître. Beaucoup d’imams ne réalisent pas encore les dégâts que pourraient provoquer leurs discours à cause d’un déphasage par rapport à notre société et à notre époque, et dont ils n’estiment pas les effets psychologiques nocifs sur des esprits vulnérables.

Nous les appelons à ne pas tomber dans la confusion des genres. L’islam est d’abord une aspiration spirituelle et une quête de transcendance dans la générosité et l’altérité, et non une idéologie identitariste et politique avec tout ce que cela impliquerait comme revendications sociales, concurrence mémorielle, importation sur notre territoire de conflits géopolitiques, notamment israélo-palestinien, etc. Ce mélange des genres augmente la frustration d’une jeunesse exclue et qui se sent victime d’une promesse d’égalité non tenue.

Discours d’apaisement, de sérénité

Nous les appelons à dispenser un discours d’apaisement, de sérénité et à résister à une orthodoxie de masse, à un populisme communautariste et aux demandes d’overdoses religieuses.

Nous appelons en même temps le reste de nos concitoyens, notamment les intellectuels et les politiques, à faire preuve de plus de discernement. Car ces pratiques criminelles revendiquées au nom de l’islam pourraient justement confirmer des clichés bien gravés dans les esprits. Certains y ont déjà vu une occasion attendue pour incriminer toute une religion. Ils n’hésitent plus à avancer en public et dans les médias que c’est le Coran lui-même qui appelle au meurtre.

Cette idée funeste est d’une violence inouïe. Elle laisserait entendre que le musulman ne peut être pacifique que s’il s’éloigne de sa religion : un musulman positif, totalement sécularisé. Bref, un musulman sans islam. Autrement dit, le vrai musulman, le bon, ne peut être véritablement qu’un mauvais musulman et un citoyen potentiellement dangereux.

Cette idée qui voudrait que l’islam soit génétiquement opposé à l’Occident et qu’il est invinciblement incompatible avec les valeurs de la République est précisément celle qui fait des ravages chez toute une jeunesse ignare, sans culture religieuse.

Nous, imams et théologiens, sommes confrontés à cette ignorance néfaste bien partagée par ces deux camps.

Conscients que, malgré le travail que nous entreprenons au quotidien dans nos mosquées auprès de nos coreligionnaires et leurs enfants, et en dépit du travail fait par nos aumôniers dans les prisons avec des moyens très modestes, nous ne sommes pas à l’abri d’autres crimes au nom de l’islam.

Une délinquance religieuse

Le phénomène Daech [acronyme arabe du groupe Etat islamique] est un indicateur. Il nous a fait découvrir avec stupeur que cette jeunesse était déjà en train de bricoler un étrange alliage entre la criminalité et la religion. Une délinquance séculière qui passe brutalement à une délinquance religieuse. Rien au fond n’a changé dans la vie de cette jeunesse, réfractaire à toute institution y compris religieuse, parce que perçue à ses yeux comme procédant du système, celui des dominants. Daech n’était au fond qu’un alibi qui nous a révélé une réalité latente que nous soupçonnions. Le mal est donc plus profond.

Tout en traitant de toute urgence le symptôme, la réponse doit alors être aussi profonde qu’à long terme. Aussi, cette radicalité ou radicalisation doit être combattue intelligemment par tous les concernés, des politiques aux imams en passant par la famille, l’école, le sécuritaire… Que chacun assume sa part de responsabilité.

Les imams seuls ne peuvent donner la solution. Ils sont confrontés à de nouvelles formes de religiosité que leur formation religieuse théologique n’a pas prévues. Ce défi est augmenté par le virtuel, source d’une religiosité versatile et imprévisible. C’est pour cette raison que nous appelons les imams éclairés à s’investir et à s’engager dans le virtuel et prodiguer un contre-discours qui prévient toutes pratiques de rupture et toutes formes d’extrémisme pouvant directement ou indirectement conduire au terrorisme.

Pour être plus concrets, nous souhaiterions mettre nos compétences et nos expériences au service de notre pays pour aider les pouvoirs publics et parer à tout danger terroriste qui sommeille encore dans certains esprits malades. Un travail que nous faisons au quotidien, même s’il n’est pas visible, encore moins reconnu.

Citoyens aussi, nous voulons proposer notre expertise théologique aux différents acteurs qui sont confrontés aux phénomènes de la radicalisation dans les prisons, dans les établissements publics, fermés et ouverts, afin de répondre à des aberrations religieuses par un éclairage théologique lorsque les arguments avancés par ces jeunes sont d’ordre religieux. Une expertise que seuls les imams peuvent apporter.

Cette initiative de notre part n’est pas contraire au principe de laïcité. Celle-ci n’interdit pas de mettre une foi éclairée au service de la nation pour défendre des valeurs communes et universelles, celles de la République. Cette pratique de la laïcité est plus que jamais d’actualité. Elle nous engage tous dans les circonstances d’insécurité que nous traversons, y compris les acteurs religieux musulmans, dans la lutte contre le radicalisme et l’antisémitisme.

Enfin, nous restons confiants que tous ensemble nous surmonterons cette épreuve et nous vaincrons cet ennemi.

Vive la République et vive la France !

Liste des imams signataires : Tareq Oubrou (mosquée de Bordeaux), Lotfi Abed (mosquée Rappel, Antibes), Otmane Aissaoui (mosquée Er-Rahma, Nice), Mohamed Bajrafil (Ivry-sur-Seine), Hassan Belmajdoub (mosquée de Mérignac), Belgacem Ben Saïd (mosquée Assalam, Nantes), Lotfi Falah (mosquée Attaquwa, Menton), Obaida Bensalam (mosquée En-Nour, Nice), Toufik Bouhlel (mosquée Al Houda, Nice), Messaoud Boumaza (mosquée Al-Andalous, Strasbourg), Azzedine Benabdeljalil (mosquée Al-Feth, Nice), Abdallah Dlioueh (imam de Valence), IImad El Akramin (grande mosquée de Colmar), Hassan El Houari (mosquée de Gonesse), Moubarek Guerdam (mosquée An-Nour, Mulhouse), Hassan Hda (mosquée d’Agen, aumônier du centre de détention d’Eysses et de la maison d’arrêt d’Agen), Azzedine Gaci (mosquée Othmane, Villeurbanne), Mourade Hamila (mosquée Le Cannet, Cannes), Helmy Ibrahim (mosquée de Guéret), Hassan Ilyes (grande mosquée de Créteil), Othmane Iquioussen (imam à la mosquée assalam de Raismes), Khalid Irzi (mosquée Bordeaux-Nord et aumônier de la maison d’arrêt de Périgueux), Hassan Izzaoui (grande mosquée de Limoges, aumônier des prisons, aumônier des hôpitaux du Limousin), Jalal Karmousse (mosquée Al-Aatique, Nice), Mondher Najjar (grande mosquée de Lyon), Aly Hazim Niass (mosquée Strasbourg-Hautepierre), Mahmoud Ould Doua (mosquée de Cenon et aumônier régional des prisons de Nouvelle-Aquitaine), Saïd Scharkaoui, (mosquée de Talence), Bachar El Sayadi (mosquée El Kaouthar de Rouen), Abedelkrim Yezid (mosquée de Bègles, aumônier du centre de détention de Neuvic).

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