Si le musulman n’est pas obligé de communiquer sa foi aux autres, a-t‑il au moins le devoir d’en être un simple témoin ? Là aussi, il faut remettre les choses à leur place, car de telles pensées pseudo-théologiques engendrent des violences symboliques inutiles.
On voit des prédicateurs inciter les musulmans à témoigner de leur foi là où ils se trouvent, au lieu de leur apprendre à la vivre intelligemment et sereinement. Certains, pour éviter l’accusation de prosélytisme, ont concocté un concept nouveau : celui de « terre de témoignage » (dâr ash-shahâda). Le problème est que ce concept repose sur l’idée d’un islam qui serait par essence agressivement prosélyte – une idée exprimée à travers des notions classiques médiévales comme « terre hostile» (dâr al-harb) ou « terre de prédication » (dâr ad-da‘wa). Malgré une formulation adoucie, ce concept semble impliquer que le musulman ne peut vivre en Occident qu’à condition d’avoir l’intention de témoigner de sa religion.
Ce genre d’idée génère chez le commun des musulmans un sentiment de culpabilité qui provoque une gêne dans ses rapports avec son entourage. Il crée des obligations supplémentaires qui compliquent la vie religieuse des musulmans, lesquels ont déjà du mal à exercer les pratiques cultuelles et morales élémentaires. C’est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles de nombreux musulmans, à défaut d’oser parler de leur religion, compensent en cherchant une visibilité, érigeant l’ostentation au rang de pratique religieuse.
Comme cette jeune fille qui, rencontrant des difficultés pour poursuivre ses études et trouver du travail, répondit quand on lui conseilla de retirer son foulard : « Mais alors, comment va-t‑on savoir que je suis musulmane ? » Cette anecdote montre bien la façon dont certains musulmans comprennent l’idée de « témoigner de sa foi ». Selon cette logique, l’islam ne serait plus une religion de l’être, mais une religion du paraître, privilégiant les apparences au détriment de l’enracinement dans la foi et la vertu, discrètes par nature. (…)
Ce que vous ne savez pas sur l’islam p 56-57
Tareq Oubrou- Fayard Février 2016