dimanche, novembre 24 2024

Plus précisément, dans le cadre de votre travail théologique et canonique, vous appelez à “désenvelopper l’islam de son noyau culturel d’origine pour le réenvelopper par la culture française”, à “distinguer ce qui relève de l’invariant de ce qui relève du circonstanciel”… Pouvez-vous développer, et nous expliquer l’enjeu de ce travail ?

La question qui se pose à ce niveau de problématique est : « Comment repenser la religion musulmane à partir d’une théologie de la réalité ? » : Au lieu reproduire un schéma passé nous devons inventer à partir de l’Occident une nouvelle expérience musulmane.

Il s’agit d’un travail fondamental de sécularisation mais aussi d’inculturation et d’acculturation qui émancipe l’islam du registre de la civilisation dans laquelle il a été toujours pensée et dominé par le modèle cognitif et culturel anthropologique arabe. En effet, la logique et le rythme et le temps d’une spiritualité ne sont pas ceux de la civilisation. Or la civilisation musulmane a subi un déclin fracassant depuis des siècles, dont les effets persistent et se répercutent encore sur le rapport des musulmans à leur religion. Il s’agit de permettre à cette foi de mieux circuler dans toutes les civilisations et cultures de notre monde actuel globalisé. C’est ainsi que l’universalisme de l’islam sera réalisé à l’épreuve des spécificités des cultures et des singularités des êtres.

Pour les musulmans français par exemple leur culture est française, cela doit aller de soi, et leur religion reste musulmane. Une allégeance politique et culturelle française et une allégeance spirituelle musulmane. Il s’agit d’honorer deux contrats : l’un est métaphysique, l’autre est pratique. Les deux se rejoignent en harmonie et en bonne intelligence. Le musulman assumera alors ainsi une double citoyenneté, sa citoyenneté céleste en appartenant à une communauté spirituelle et sa citoyenneté terrestre en appartenant à la nation française. Il ne trahit aucune des deux, puisque l’une est censée entrer en résonance avec l’autre. Je ne peux développer ici tous les ingrédients méthodologiques fondamentaux de cette conciliation théologico-canonique dont la variable culturelle et civilisationnelle reste déterminante, et sans lesquelles il n’y a ni réception ni transmission possibles de l’âme de l’islam dans le temps et à travers les générations, pour le bien des musulmans et ceux qui vivent avec.

Propos recueillis par Cédric Baylocq – « Un conflit de systèmes idéologiques, pas un choc des religions » – Oumma.com 2011 – Tareq Oubrou

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