jeudi, novembre 21 2024

On parle souvent d’élèves musulmans qui, au nom de leur religion, refusent d’étudier la théorie de l’évolution, entre autres sujets. Cette attitude inquiète les enseignants, car elle renvoie de manière brutale à l’imaginaire d’une période obscurantiste où l’on censurait la connaissance scientifique au nom de Dieu, de l’Église ou de la Bible. En d’autres termes, elle donne l’impression que le Moyen Âge occidental dans ce qu’il a eu de plus arriéré est de retour, cette fois dissimulé sous le burnous de l’islam.

C’est une situation véritablement renversante pour qui sait ce que la pensée arabo- musulmane médiévale a apporté à la modernité occidentale, comme le note Goffredo quadri, qui était un chargé de cours de philosophie à l’université de Sienne : « C’était l’époque à laquelle les doctrines arabes, par l’intermédiaires des juifs[1], avaient pénétré en Europe à travers l’Espagne. De cette absorption de la spiritualité orientale par l’âme de l’Occident, les Pyrénées avaient été le chemin et Paris en était devenu le foyer, le confluent de toutes les traductions des textes arabes, arrivant en hébreu, mises en latin par les chrétiens et les juifs[2]. » À cette époque, en France, l’islam n’était pas présent sur les chantiers de BTP, mais dans les bibliothèques, les universités et les hauts lieux du savoir. Une histoire bien oubliée. Peut- être que, si l’on prenait soin d’enseigner à ces jeunes cette histoire- là, leur indiscipline s’apaiserait, puis se dissiperait d’elle- même.

Il suffirait d’expliquer que le théorème généralisé de Pythagore n’est autre que le théorème d’Al- Kâshî, un arabo- musulman ; que la révolution copernicienne n’est pas totalement copernicienne, car l’héliocentrisme est apparu au xiiie siècle, notamment dans l’ouvrage d’astronomie de Nasîr ad- Dîn at- Tûsî At- tadhkirat fî ‘ilm al- hay’a (Mémorandum des sciences de l’astronomie) ; et que même l’évolution naturelle n’est pas si darwinienne que cela, car la pensée arabo- musulmane y a contribué, comme nous verrons. Cette approche de l’histoire universelle des sciences pourrait favoriser l’intégration qui fait tant défaut aujourd’hui, mais une intégration mentale et intellectuelle, passant par un récit national et une histoire dans lesquels tous les élèves pourraient se reconnaître, quelle que soit leur origine.

Admettre que la civilisation occidentale n’est pas que gréco- romaine et judéo- chrétienne, mais aussi arabo- musulmane, ne relève en rien d’une quelconque charité : c’est rétablir une vérité historique. Ce faisant, on réintégrerait toute une jeunesse frustrée car coupée à la fois de son histoire d’origine et de celle de la civilisation où son destin se joue désormais.

1. Les juifs étaient à la fois arabisants et latinisants.
2. Goffredo quadri, La Philosophie arabe dans l’Europe médiévale (traduit de l’italien par Roland Huret, ancien professeur au collège melkite de Damas), Paris, Payot, 1947, p. 4.

Ce que vous ne savez pas sur l’islam – Edition Fayard – Tareq Oubrou – p189/191

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