Le Coran est une Parole divine transcendante qui a fait irruption dans notre monde à une certaine époque, dans une région de notre globe et au sein d’un peuple. Ce n’est pas la première fois que Dieu se manifeste ainsi. Cet acte divin que l’on nomme Révélation (wahye) nous informe que Dieu agit dans/sur le monde et intervient dans la condition de l’Homme. Le Dieu du Coran est un Dieu existant, exigeant.
Cependant le Verbe ici ne s’est pas fait chair, mais Écrit. Livre (kitâb). Incarnation exclue, il prit forme linguistique dans un relatif humain. Le Coran est défini selon l’orthodoxie comme Parole de Dieu incréée, irréfragable. Mais la manifestation ad extra du Verbe dans sa descente, tanzîl, ne signifie ni une union, ni une unité substantielle, essentielle. Le rapport de l’expression coranique dans son articulation vocale avec Dieu est uniquement un rapport de communication. Quel que soit l’ordre sacré et transcendant du Coran, il ne peut être assimilé, quant à l’expression de son essence, à Dieu. Il est signe incréé, émanant de l’Essence divine, mais il n’est pas Dieu. La confusion entre Dieu et le Coran ne peut jamais se produire, car il y a toujours eu dans la Tradition musulmane une nette distinction entre le signe symbolique (âya) et la Vérité ultime. L’Acte divin manifesté dans le temps, quelle que soit la forme qu’il revêt n’est point sujette ou objet d’adoration. Le Coran est vénéré, sacralisé, mais pas -cultuellement- adoré. Ce serait une idolâtrie. Seul Dieu est adoré, et à lui seul le culte est rendu. Entre L’Essence de Dieu, Sa Parole ontologique et la Parole phénoménale récitée et écrite, deux distances sont restées gardées (al-mubâyana).
« Ainsi Nous t’avons révélé un Esprit ( souffle) de notre part. Alors qu’auparavant tu ne savais pas qu’est-ce qu’un Livre… ». Cet Esprit coranique est encore agissant, une source toujours fraîche, intarissable. Ses effets spirituels et l’intelligence qu’il offre à la raison restent opérants et d’une grande actualité. Le divin céleste est venu faire partie de la réalité humaine terrestre à un moment donné de l’Histoire, mais il demeure toujours une Miséricorde et une Grâce à l’adresse de l’humanité.
Seule une expérience mystique profonde pourrait en dévoiler quelques mystères. En effet, certains saints de l’islam ont pu atteindre l’écoute de cette Parole comme si elle émanait directement de Dieu Lui-même, mais cette démarche expérientielle mystique de al-ihsâne -qui consiste à adorer Dieu comme si on le voyait, pour reprendre un Hadith du Prophète- en tant que proximité intérieure avec le Coran, et qui se situe au-delà de tout langage, ne pourrait faire l’objet ici d’une approche strictement rationnelle. Nous allons nous contenter, pour notre part et à défaut de toucher ce mystère du Coran de très près, d’aborder ce qui est accessible à l’entendement commun : son aspect scripturaire, selon une écoute et une lecture confessantes et intelligentes dans la mesure de notre possible.
Tareq Oubrou