Aujourd’hui, c’est aux savants théoriciens de l’islam en Europe, et notamment en France, de faire ce travail et de le proposer aux musulmans au-delà de leur diversité.N’ayant pas compris cet état de fait musulman, des hommes politiques français consultent des institutions religieuses étrangères, comme Al-Azhar en Égypte, comme s’il s’agissait du Vatican du sunnisme, alors qu’il n’est que l’un des lieux du conservatisme religieux et qu’il ne fait pas l’unanimité même chez lui, en Égypte.
Ceci ne doit pas nous étonner, quand on sait que nos politiques ont majoritairement une culture religieuse catholique, qu’ils voudraient calquer sur l’islam. Aussi y a-t-il une autre explication, celle de renvoyer toujours l’islam à la religion de l’autre, qui provoque aujourd’hui une « inquiétante étrangeté », selon l’expression de Freud, car désormais elle est une étrangeté de l’intérieur. L’islam l’était déjà au Moyen Âge comme nous le verrons.
En même temps, il faut reconnaître que les imams et les savants de l’islam en France n’ont pas fait le nécessaire pour rattraper le retard et élaborer urgemment un travail doctrinal spécifique à notre condition laïque française. Au lieu de l’apaiser, ils ont continué à ignorer l’angoisse qui gagne de plus en plus la société française y compris ses musulmans.Nous devons tous assumer notre responsabilité en tant que musulmans, comme le demande le Coran qui intime : « Ô vous qui êtes croyants [musulmans] ! Soyez strictement justes et dites la vérité comme Dieu vous le commande, même contre vous-mêmes, contre vos parents ou proches ! » (Cr. 4, 135)Pour rattraper ce retard, réparer nos erreurs passées, nous proposerons ici un préalable : une déconstruction de certaines pseudo-évidences pour refonder et reconstruire. […]
Quelle place pour l’Islam dans la République ? pour les Nuls – ça fait débat – FIRST Édition – 2021 – Tareq Oubrou – p29 à 30