jeudi, novembre 21 2024
C’est la dimension intérieure de la pratique musulmane (al-bâtin). On l’appelle al-haqîqa qui, étymologiquement, signifie la Vérité. Dans le langage des soufis, elle est la voie spirituelle et morale qui mène à la vérité de Dieu par la perception gnostique intérieure (al-ma‘rifa) qui transforme les éléments de la doctrine de l’Unicité des Noms et Attributs divins (tawhîdu al-‘asma’ wa es-sifât) en vécu intérieur, en évidence existentielle. On peut appeler « théologie mystique » la science qui s’en occupe. Sa première démarche consiste à élaborer des méthodes spirituelles et des techniques comportementales qui aident le novice (el-murîd) [1] à se conformer aux normes cultuelles et morales de la sharia. C’est ce qu’on appelle at-takhalluq. C’est un préalable au deuxième degré initiatique qui vise à atteindre intérieurement l’union mystique, toujours à travers la sharia (les adorations cultuelles et les exigences morales) pour parvenir à la certitude (al-yaqîn) ou à l’accomplissement (al-ihçân), pour employer le terme d’un hadith [2].
Le but ultime de cette expérience intime de l’Incommensurable est de parvenir à la réalisation intérieure des Noms et Attributs divins selon une démarche pratique orientée par la sharia, définie par la doctrine (al-‘aqîda), par le dogme de l’Unicité (at-tawhîd) notamment. Contrairement à la théologie spéculative on raisonne ici en termes de connaissance sensible, par la saveur, grâce à une approche « gustative » (al-ma’rifa edh-dhawqiyya), contemplative, sans dialectique ni discours. L’expérience mystique est donc un complément de la raison ; plus encore, la raison à cet égard n’est qu’un moyen de fortune, nécessaire mais pas suffisant, pour un long chemin dont sont dispensés les élus (al-awliyâ’), qui peuvent accéder aux raccourcis royaux de la sainteté.
[1] Ce terme dans la terminologie soufie signifie celui qui manifeste la volonté d’entamer la voie mystique. Il tire sa légitimité des versets du Coran, 6, 52 et 18, 28.
[2]Omar rapporte : « Alors que nous étions avec l’Envoyé de Dieu qu’un homme nous est apparu (…) puis a demandé au Prophète : « informe moi au sujet de la perfection (el-ihçân) ? » (…) c’est répondit le Prophète, le fait que tu adores Allah comme si tu Le vois, et si tu ne Le vois pas, saches que Lui Il te voit… ». L’homme dont il s’agit est Gabriel venu sous forme humaine pour enseigner les Compagnons sur leur religion en posant des questions au Prophète tout en confirmant ses réponses. (Voir Mouslim via Omar d’après Mouslim bi charhi en-nawawy de l’Imam NAWAWY, t.1, partie 1, K.1, B.1, n°1 (8), Beyrouth, Edition Dâr el-koutoub el-‘ilmiyya, non datée, p.157-160 ; c’est une édition en neuf volumes avec un index.
L’Islam dans son unité tridimensionnelle : La Foi, la Loi, et la Voie – Ce texte est extrait d’une communication écrite de Tareq OUBROU ayant pour titre : « SHARIA DE MINORITÉ » : RÉFLEXION POUR UNE INTÉGRATION CANONIQUE DE L’ISLAM EN « TERRE LAÏQUE »
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