« Mon paradis est dans mon cœur, il est avec moi la où je me déplace… »
Tout en restant foncièrement spirituel, le discours coranique s’est mêlé aux circonstances anthropologiques, politiques… des hommes, pour opérer une transformation intérieur du peuple Arabe dans les limites des conditions situées et datées d’alors. Voici la mystique du Message Coranique : tout en étant dans le temporel, il ne renonce jamais à la profondeur morale et spirituelle de son message qu’il porte pour l’éternité. Le Royaume de Dieu est dans l’Au-Delà certes, mais il est advenu aussi dans le monde des hommes, ici et maintenant. Il en témoigne ce que le Prophète et ses Compagnons ont vécu comme expérience de la rencontre de Dieu en réalisant l’enseignement qui dit : «Adore Dieu comme si tu le voyais », et ce que les soufis appellent le dévoilement.
Pourtant ils vécurent vingt-trois ans de lutte pour survivre et résister à toutes les hostilités militaires de leurs ennemies, qui finirent par devenir leurs frères spirituels. S’il y a une dimension de l’islam des origines qui doit être reproduite à l’identique, c’est bien celle de la rencontre du divin, au cœur de notre monde, comme l’ont fait exactement le Prophète et ses disciples à travers leur expérience mystique. Cette expérience vécue par les saints de l’islam et dont l’un disait : « Mon paradis est dans mon cœur, il est avec moi où je me déplace… ». Cette assertion et d’Ibn-Taïmya dévoilée à un moment historique crucial pourtant : l’invasion du monde musulman par les Mongoles. Il disait aussi : « Dieu a son Paradis sur terre, celui qui n’y entre pas dans l’ici et maintenant risque de ne pas y entrer dans l’au-delà ».
Cette tension de transcendance vers le divin ne doit obéir à aucune condition historique, dure soit-elle. Elle ne doit pas être perturbée par la tempêtes de notre mondialisation. Au contraire, elle doit être le moteur véritable d’une transformation par un djihad moral et spirituel, en quête de rectitude, de forces, d’équilibre et de paix intérieurs. Une mystique qui produit de l’intelligence, de la culture et de la civilisation. Car Dieu ne changera pas l’état des gens tant que ceux-ci n’ont pas changé leur intérieur , nous rappelle le Coran. Autrement dit : change-toi, ton monde changera ! ; Fait régner le Royaume de Dieu sur ton cœur, il adviendra dans ton monde !. Il ne faudrait donc pas se tromper de combat (djihad), ni d’ennemis ni de champs de bataille. « Le vrai combattant (mujâhid), nous dit le Prophète, c’est celui qui combat son Ego (nafs, comme lieu de passions négatives) dans la voie de Dieu » .
En effet, c’est très difficile d’affronter son Ego, c’est pourquoi nous le fuyons, préférant à lui l’acharnement contre des ennemis virtuels, faciles à désigner. Or le vrai ennemi nous habite, souvent nous le défendons et nous le protégeons : l’ignorance et la décadence intellectuelle, morale et spirituelle.
Le Coran, la modernité et l’ijtihad – Tareq Oubrou – 2012