Par « hors normes » nous signifions des normes qui ne sont plus pour nous des normes. En effet, non seulement il y a des versets circonstanciels dont le sens est relatif et circonscrit, mais il y a même des versets dont l’effet normatif est nul et caduc. Les musulmans les lisent au cours de leur prière canonique, mais ils n’ont aucune conséquence pratique sur leur vie. Le Malikite Ibn Al-Arabî (m. 1148) cite par exemple le cas d’un jeu de hasard interdit (maysir) par le Coran. Il dit : « Ce type de jeu de hasard était une pratique interdite.
Aujourd’hui, il nous est totalement inconnu. Par conséquent, son nom doit être éteint et sa trace effacée » (Ahkâm al-Qur’ân). On peut dire la même chose de la notion de la dhimmitude (statut de citoyenneté précaire des non-musulmans au sein des sociétés musulmanes médiévales) qui n’est d’ailleurs pas une invention islamique. La Jizia dont parle le Coran est un impôt lié à ce statut, qui existait déjà avant l’islam (Rachid Rida in « Tafçir al-manâr »).
Ce sujet relève du domaine conjoncturel même s’il est évoqué dans le Coran. Les savants médiévaux ont compris l’esprit de cette disposition en la résumant dans la règle qui stipule : « Les musulmans versent leur sang pour défendre toute la nation, les minorités versent leur argent. » Et s’ils décident de participer à cette lutte, alors ils sont exonérés de la Jizia, de même que le musulman qui refuse de s’y engager doit payer cet impôt.
Aujourd’hui, avec l’État nation et la notion moderne de citoyenneté, ce statut et cet impôt sont caducs de fait.Il y a là une autre distinction, entre la lecture liturgique comme acte cultuel des passages coraniques, leur interprétation et leur mise en pratique ou pas. Ce n’est pas automatique. Dans ce domaine aussi tout ce qui est valable pour le Coran l’est davantage pour la Sunna.
Quelle place pour l’Islam dans la République ? pour les Nuls – ça fait débat – FIRST Édition – 2021 – Tareq Oubrou – p33 à 34