dimanche, novembre 24 2024

L’herméneutique de la trace permet de suivre ces signes de Dieu déposés dans le Coran, dans la nature, dans notre nature (fitra). Ces signes, comme empreintes divines, informent sur l’existence d’un sens et d’une présence, mais en même temps créent le suspens et l’intrigue. Ils indiquent la vérité mais à distance. Le signifiant indique le signifié, mais sans le dévoiler totalement. Le Coran lui-même parle plutôt d’indication par signes (wahye) que de révélation à proprement dite. Chaque voile sémiologique une fois levé ouvre la voie à une nouvelle recherche qui passe par le dépassement d’un autre voile et ainsi de suite. Selon cette épistémologie, les découvertes par dévoilement ouvrent de nouvelles voies de recherche et créent un étonnement permanent.

Cette condition ontologique relative fait de la connaissance une marche continue même après la mort. Car selon les dogmes islamiques la mort n’est pas une expulsion du monde, mais une sortie d’une étape de l’existence à une autre expérience existentielle, incommensurable. L’infiniment incompréhensible devient alors infiniment compréhensible. Nous pouvons vraiment parler ici d’une docte ignorance qui reconnaît que la connaissance qui avance découvre sa propre ignorance, d’où notre passion continue de Dieu et notre curiosité continue devant l’Eternel et devant le monde.
Cette épistémologie de la connaissance mystique ouvre ainsi la possibilité d’une connaissance imprévue, ce que les épistémologues appellent la ‘‘serandépité’’, et que les croyants pourraient traduire par la Grâce (fadl). Généralement elle vient après un effort intellectuel, spirituel et moral dans une attente intérieure active, mais modeste, d’une découverte par dévoilement secourable qui inonderait divinement et gratuitement l’esprit et le cœur du cheminant. Cette Grâce est une donation souvent inattendue dans sa forme, et qui vient comme une récompense à une quête humble, sincère et consciente de ses faiblesses et de ses lacunes.

Cet article se trouve dans la revue « Horizons Maghrébins-le droit à la mémoire, n° 65/2011, 27e année » p.172-180- Tareq Oubrou

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