vendredi, décembre 13 2024
La voie est le droit chemin, tarîq mustaqîm (Cr. 46 : 30). Elle est aussi appelée sirât mustqîm, qui revient 36 fois dans le Coran. C’est la voie de la sainteté qui mène à Dieu. L’islam est une foi, une loi et une voie. Cette dernière dimension est à la base du soufisme. Au-delà des confréries soufies, il s’agit d’un domaine en parfaite conformité avec les enseignements de l’islam, né à l’époque des compagnons du Prophète (Ibn-Khaldûn). Il a trait à l’éducation morale et spirituelle et à une démarche initiatique qui s’occupe essentiellement des pratiques du coeur et de l’esprit, alors que le fiqh, le domaine de la sharia, ne s’occupe que des comportements visibles, ceux du corps. Les maîtres fondateurs du soufisme l’ont élaboré à partir du Coran et de la Sunna, comme pour tous les autres domaines de l’islam. Ce n’est pas une secte ni une religion à part, c’est le coeur palpitant de l’islam.
Le maître de cette discipline est appelé cheikh el-ma‘rifa wa el-haqîqa qui veut dire « maître de la gnose ou de la vérité ésotérique ». Pour les soufis, le Prophète Mahomet reste le maître spirituel par excellence qui a atteint les sommets des états spirituels jusqu’à la rencontre intérieure avec Dieu. Il est à ce titre l’exemple à suivre dans son initiation personnelle. Outre la transmission de la Révélation et son explication, il avait la fonction d’éducateur des âmes (Cr. 3 : 164).
Une voie à deux étapes
»»La première étape est appelée at-takhalluq. Elle consiste à appliquer des techniques et des méthodes éducatives pour accompagner le novice (el-murîd) afin qu’il se conforme, dans un premier temps, aux pratiques exotériques, visibles, cultuelles et morales de la sharia. »»La deuxième étape est celle d’at-tahaqqûq : fruit du grand effort (jihad majeur) moral et spirituel accompli tout au long de la première étape. Le cheminant entre alors dans l’univers des pratiques intérieures. Le cheminement passe du mouvement du corps à celui de l’âme, de la conformité à la sharia extérieure à la sharia intérieure. Le Coran parle de l’âme altérée, vicieuse (Cr. 12 : 53), de l’âme consciencieuse (Cr. 75 : 2) et de l’âme sereine et apaisée (Cr. 89 : 27). Le travail soufi consiste à transformer l’âme vicieuse pour qu’elle devienne sereine en passant par l’étape de l’âme consciencieuse. Cela fait appel préalablement à des procédés de concentration et de méditation qui permettent d’évacuer les bruits intérieurs qui viennent des passions et les agitations les plus enfouies qui empêchent d’écouter les inspirations spirituelles les plus subtiles (al-ilhâm). C’est aussi une étape qui ouvre sur un mode de connaissance immédiate des choses de Dieu (‘ilm ladunnî). En traversant ce désert intérieur, le cheminant parvient enfin à réaliser l’évidence (el-yaqîne) dont le dévoilement (kachf) est la manifestation ultime. Cette démarche tire sa légitimité de deux hadiths, notamment. L’un dit : « La bienfaisance (al-’ihsâne) consiste à adorer Dieu comme si tu le voyais. Et si tu n’arrives pas à le voir, sache qu’Il t’observe ! » (Muslim) ; l’autre connu sous le nom du « hadith du saint » (hadith al-waly) parle d’une union mystique ou communion spirituelle possible avec Dieu, grâce à des pratiques obligatoires et surérogatoires (Bukhârî).
Une seule vérité, des voies multiples
Il y a la norme tracée par la sharia et les voies multiples qui permettent de la vivre. Le souci constant du cheminant (as-sâlik) est d’éviter de transformer les multiples expériences de la vie spirituelle en habitudes, en mécanismes réflexes ou en a priori. S’il accepte une pratique, les cinq prières canoniques par exemple, ce n’est pas par automatisme, ni même par obéissance aveugle, mais parce qu’il a conscience que c’est le geste le plus approprié. C’est une voie solitaire, par essence, qui conduit le cheminant à la rencontre de Dieu ici-bas avant l’au-delà (Cr. 19 : 95). Comme les autres domaines de l’islam, le soufisme souffre de mimétisme et de suivisme (taqlîd) aveugles. Il est parfois confisqué par des confréries soufies qui donnent l’impression d’être des sectes. Elles donnent malheureusement raison ainsi à ceux qui combattent le soufisme en le considérant à tort comme une hérésie, une secte. Ces formes de soufisme trahissent sa vocation première : libérer l’homme de l’homme et l’homme de lui-même pour s’accomplir dans l’absolu.
Le coran pour les nuls en 50 notions clés – collection pour les nuls culture générale – Nov 2019 – Tareq Oubrou – p288 à 290
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