S’il y a une vision superstitieuse et fétichiste du Coran chez certains croyants, il y a une autre qui n’est pas moins néfaste. Une vision qui fait du Coran une lecture purement idéologique. Par exemple, ces mouvements politico-religieux qui ont transformé le Coran en programme politique, voire en moyen d’accès au pouvoir.
Il s’agit là d’une trahison et d’une désacralisation du Coran. Une profanation. En cela ils n’ont rien inventé.Bien des savants officiels et classiques dans l’histoire musulmane ancienne et contemporaine ont légitimé des pouvoirs tyranniques en place par des textes sacrés. Or, il faut prendre le Coran pour ce qu’il est et comme il s’est qualifié lui-même : un Livre révélé comme guidance des âmes (hidâya) et un discernement (Cr.2, 185). D’ailleurs « Le Discernement » (al-furqâne) est l’autre nom du Coran. Toute la nuance et toute la difficulté pour le non-avisé se trouvent à ce niveau de passage du théologique à l’idéologique.
Nous entendons ici par théologie tout système religieux ouvert sur la réalité et tolérant par nature ; et par idéologie nous signifions des convictions fermées dont les auteurs sont aveuglés par un désir de réaliser un programme au mépris de la réalité. Pour éviter toute instrumentalisation du Livre sacré pour des fins politico-religieuses et pour mettre la religion à l’abri de toute logique de pouvoir, il faut d’abord passer par une nécessaire lucidité qui permet la distinction entre les ordres : le temporel et le spirituel, le religieux et le politique, le sacré et le profane, etc. Nous en avons des arguments dans le Coran et la Sunna du Prophète. Il suffit d’être sincère et objectif et de les lire avec discernement.
Quelle place pour l’Islam dans la République ? pour les Nuls – ça fait débat – FIRST Édition – 2021 – Tareq Oubrou – p145 à 146