Le ramadan n’est pas une mortification absurde et gratuite du corps. D’ailleurs, celui qui ne peut l’effectuer pour une raison ou pour une autre – maladie, voyage, femme enceinte, tout risque pour la santé… – peut bénéficier d’une dérogation, à condition de « rattraper », plus tard, les jours de jeûne manqués, ou de les « racheter » par une aumône.
Le jeûne est une école pour apprendre à modérer ses instincts et à bien orienter ses pensées. Jeûner, c’est d’abord s’abstenir de faire du mal. On se prive de manger pour nourrir l’esprit. Si l’on est capable de se passer de ce qui est permis – la nourriture, la sexualité –, on sera plus fort pour résister à la tentation de faire le mal. D’un point de vue mystique, le jeûne est une imitation des anges et de Dieu. Un triomphe de l’esprit sur le corps. Ce doit être une pratique invisible, sans ostentation. La discrétion est le propre même du jeûne.
En vivant ainsi le mois de ramadan, le musulman affirme une autre forme de liberté, en exerçant son pouvoir de dire « non ». C’est une privation consentie, volontaire pour libérer l’homme de lui-même, du diktat de ses pulsions et de ses instincts animaux.
Il s’agit, néanmoins, d’une privation momentanée. Le matin, avant l’aube, le musulman peut prendre un petit déjeuner et, le soir, il peut dîner dès que le soleil est couché. Il ne manque donc qu’un repas par jour : ce n’est pas la fin du monde ! Il s’agit de se priver pour partager et donner. C’est aussi cela le sens du jeûne : partager la faim avec les pauvres, pour mieux apprécier le don ; partager la nourriture avec ceux qui n’en ont pas au quotidien. Et il y en a, malheureusement, de plus en plus (…)
Tareq Oubrou
Le Prêtre et l’Imam – Edition Bayard 2013 – p99/101