samedi, novembre 23 2024

Nous assistons à un retour au spirituel fracassant dans le monde musulman. Le vent a tourné, nous pensions que nous étions dans une histoire linéaire, irréversible, nous pensions que la sécularisation mettrait fin aux convictions religieuses, or nous assistons aujourd’hui à un retour curieux à la religion dans le monde musulman, ainsi que dans le monde protestant.

Ce retour du religieux chez les musulmans, qui conduit certains dans les affres du terrorisme malheureux, est en train de doper la re-christianisation de l’Europe. En réalité, il ne s’agit pas d’un retour aux religions, mais d’un retour aux identités, dans lequel la religion n’est qu’un moteur de mobilisation.

Devant cette construction d’une identité imaginaire, imaginée, cette récupération politique menaçante, il faudrait mettre la religion à l’abri de toute instrumentalisation ethnique, politique, identitaire, car le propre de la religion est de créer le lien par le biais de la transcendance. Se réaliser dans l’altérité de Dieu pour se réaliser dans l’altérité avec les autres. C’est le propre de la religion. La parole religieuse doit avoir une fonction essentielle d’apaisement et d’espérance. Ce que nous voyons se commettre au nom de la religion n’a rien à voir avec ce principe, c’est de la délinquance séculaire qui se transforme en délinquance religieuse. On les appelle des djihadistes, mais ce sont des criminels, tout simplement. Le djihad est un combat juste dans le Coran. En tant que théologien, j’assiste à une altération des significations coraniques qui au départ étaient des notions nobles: le djihad est vocable complètement altéré. Tous les mots qui dérivent de l’islam sont devenus négatifs, alors que l’islam porte en lui la paix, salam est sa racine sémantique.

Aujourd’hui, dans les mosquées, il y a un discours qui n’est pas forcément agressif, mais il est anachronique par rapport aux besoins spirituels de nos contemporains. C’est un discours qui crée une fracture mentale entre le croyant et la modernité, c’est une violence symbolique qui peut basculer vers une violence physique. Le radicalisme puise ses fondements dans un discours classique emprunté au Moyen-Age, qui est en décalage total avec la réalité de notre monde.

La théologie de l’altérité permet au musulman de vivre sereinement sa foi avec Dieu en prévoyant de faire une place à l’Autre. Il est nécessaire de proposer une réforme radicale théologique pour que cette théologie d’altérité nous sorte de la théologie médiévale qui a été construite dans une logique impériale, civilisationnelle, de dominance et de domination. Nous devons apprendre à vivre dans un monde mondialisé en tant que minorité.

A ce sujet, je suis en train de théoriser la « charia de minorité » pour que les pratiques religieuses et éthiques redeviennent en phase avec nos valeurs actuelles, qu’elles renvoient au droit positif en vigueur et au droit de la République.

En tant que « pasteur », je suis en contact permanent avec les Hommes. Je pars d’une théologie de la réalité. J’écoute les gens, les musulmans, les non musulmans, les agressifs, les calmes, les frustrés, les juifs, les chrétiens, tout ce qui fait notre société. J’essaie d’apprendre à connaître l’homme dans ses multiples facettes. Dans l’espoir de parvenir à agir sur la réalité.

Publication: 19/11/2015 huffingtonpost

Tareq Oubrou

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