dimanche, novembre 24 2024

« (…) Il faudrait rappeler que l’islam est née avec l’État, la logique de l’empire et de la domination. Une identité spirituelle mais aussi politique. C’est donc dans cette épistémè que toute la pensée théologique, juridique, éthique a été forgée. Il faudrait penser une sécularisation intra-islamique en découplant la logique de l’empire de celle de la religion. C’est un travail énorme, dangereux et grave, tellement il y a une consubstantialité entre l’islam avec grand i (civilisation) et l’islam avec petit i (religion, spirituelle).

Aujourd’hui, le déclin de la civilisation musulmane c’est répercuté sur le rapport des musulmans à leur religion. Tant qu’ils ne se sont pas émancipés et fait le deuil de la civilisation musulmane. Ils ne peuvent pas réformer la religion pour la faire introduire dans une nouvelle histoire. Voila grosso modo l’équation que devraient repenser les théologiens et les théoriciens de l’islam. La situation laïque séculière occidentale est un moment opportun pour repenser se découplage. Quand je travail sur la Chari’a de minorité, en vérité c’est un alibi pour passer à un projet beaucoup plus vaste. Je pars d’une réalité pour refonder non seulement le droit et la théologie mais aussi la méthodologie de la pensée religieuse en générale. Le chantier est énorme et cela n’incombe pas à une personne mais à toute une génération de faire ce travail là.

Il ne faut pas se tromper d’équation, ni d’orientation de la pensée et réfléchir sur les conditions intérieurs de la pensée. Penser le vrai en dehors de nous. Le vrai c’est pas moi. À cet égard La mystique va nous aider à faire cette distance, cette démarcation entre la Vérité et le Moi. C’est cela l’unicité, sortir du Moi pour essayer d’atteindre la Vérité. Donc une condition mystique de la pensée, mais également l’orientation de la pensée, afin de mobiliser l’intelligence dans la bonne direction. (…) Le penseur doit se démarquer par cette tyrannie de l’orthodoxie de masse et l’orthopraxie de masse, le nivellement par le bas. (…) Quand le savant devient un « vulgaire » avec le langage scientifique c’est le comble, parce que aujourd’hui on a beaucoup de savants, de prédicateurs qui chauffent les  foules, nourrissent les émotions. Ils chauffent la voiture mais ils ne lui donnent pas la voie d’accès, on brule le carburant pour rien. Les pleures, l’effervescence, les émotions et puis au bout l’implosion.(…) le premier à combattre la réforme c’est le peuple par son ignorance. (…) Donc il faut résister, avoir des convictions et un courage.(…) »

Forum 2013, le débat: quel Islam transmettre?

Tareq Oubrou

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