Le Coran n’est que sacré. Comme un talisman, certains musulmans le mettent sous leur oreiller avant de dormir, le suspendent au rétroviseur de leur voiture ou accrochent quelques-uns de ses versets autour du cou pour avoir une protection.Pour des piétistes, il est tellement sacré qu’il est pour eux intouchable, et celui qui oserait l’interpréter risque d’être frappé par la malédiction divine. Dans ces deux visions, très minoritaires certes, le Coran est réduit à un simple objet sacré. Un fétiche. Il faut dire aussi qu’il y a le Coran céleste et le Coran terrestre. « Nous – Dieu – avons fait de lui – le Coran révélé – un Livre en langue arabe pour que vous le compreniez.
En revanche, il est auprès de Nous dans la matrice du Livre, très élevé et plein de sagesse », dit le Coran lui-même (Cr. 43, 3-4). Cela veut dire que le Coran céleste reste effectivement inaccessible et intouchable ; en revanche, le Coran terrestre qui est entre nos mains est donné justement pour qu’il soit approprié par son lecteur, si on entend bien le verset.Ce même Coran sous nos yeux reste sacré de par son origine et une source de grâce spirituelle, certes, mais il n’a de valeur effective que si les Hommes qui y croient essaient d’en comprendre le message et d’en tirer un avantage pratique dans leur vie. Par conséquent, il restera inerte tant qu’il n’est pas rendu vivant par leur savoir.
Le premier à en être conscient fut le Prophète lui-même. « Seigneur, augmente mon savoir » (Cr. 20, 114), lui fait dire le Coran. Il ne se contentait donc pas de lire le Coran pour la simple bénédiction. Lui-même a essayé de le comprendre avant de le transmettre, de l’expliquer aux autres, tout en ouvrant les musulmans au savoir universel, à la sagesse. « Il leur transmet Ses versets, les éduque, leur enseigne le Livre et la sagesse » (Cr. 3, 164, et Cr. 62, 2). C’est ainsi que le Coran a défini sa fonction. Il n’était pas un transmetteur passif de la Révélation. Il reste à cet égard l’exemple à suivre pour les musulmans. C’est ce que les savants médiévaux ont fait par la suite en produisant des montagnes de livres d’interprétation du Coran. Et cela continue malgré les obstacles de la difficile condition contemporaine du monde musulman.
Quelle place pour l’Islam dans la République ? pour les Nuls – ça fait débat – FIRST Édition – 2021 – Tareq Oubrou – P143 à 144