Demander à un musulman si les lois de la République sont plus importantes que celles de sa religion est une question d’une violence symbolique par son imprécision. Une fausse question qui part d’un a priori et d’un double préjugé, et sur la loi musulmane, et sur la loi de la République.
Une question à laquelle un simple Français musulman n’a peut-être même pas pensé. Questionner un jeune d’origine musulmane en rupture avec la société, vivant un sentiment d’exclusion, déçu et frustré, n’ayant pas bénéficié de la promesse de l’égalité républicaine, c’est l’acculer instinctivement à répondre que sa religion est plus importante que la République, même s’il n’en connaît ni n’en pratique rien.
Poser cette même question à un croyant d’une autre religion serait tout aussi violent. Demander à un chrétien très pratiquant lequel des deux est le plus important pour sa vie au quotidien : la Constitution de la République française ou les enseignements de l’Évangile ? Ou bien à un juif « pratiquant » ce qui importe le plus pour lui : la Torah ou la Constitution ? Le peuple juif ou le peuple français, la France ou Israël ? On aura certainement des surprises dans les réponses, qui seront différentes selon le profil religieux, la connaissance et la pratique ou non de l’intéressé.
Dans la même idée, à une certaine époque, la référence absolue des communistes était l’URSS, Le Capital de Karl Marx davantage que les articles de la Constitution française. On peut multiplier les exemples.
Ce qu’il faut souligner, c’est que pour le croyant Dieu est « l’Être suprême », pour reprendre une formule inventée par le cardinal de Bérulle, religieux fondateur de l’Oratoire de France[1]. En effet, la souveraineté revient à la République ; le gouvernement, aux hommes qui en ont la charge. Mais Dieu pour les croyants règne sur leurs consciences intimes, même si c’est la République qui les gouverne.
La République n’est pas une Église. Elle ne s’intéresse pas aux contenus des croyances, ni ne cherche à les censurer a fortiori, mais ce qui lui importe c’est leur expression dans l’espace public tant que celle-ci ne trouble pas l’ordre public établi par sa loi.
Plus théologiquement : on peut être citoyen céleste (juif, catholique, protestant et musulman) et citoyen terrestre (français) en même temps, sans heurt ni conflit mais, au contraire, dans une harmonie totale.
1. Émile Poulat, Notre laïcité ou les religions dans l’espace public, entretiens avec Olivier Bobineau et Bernadette Sauvaget, Desclée de Brouwer, [s. d ], p. 21.
Appel à la réconciliation : Foi musulmane et valeurs de la République française – Tareq Oubrou – Édition Tribune Libre Plon – p124 à 126