jeudi, avril 25 2024

C’est au nom d’une certaine rationalité des sciences humaines, entre autres raisons, que certains ne retiennent que le Coran. En effet, ils réfutent en bloc toute la Sunna du Prophète -sans avoir préalablement étudié sérieusement les multiples sciences du Hadith dont la complexité est inouïe-, et ce sous prétexte que la compilation du Hadith n’a été achevée définitivement que bien tard par rapport au Coran -comme si c’était une découverte-, et que son contenu contiendrait des aberrations et des erreurs que leur « raison » n’accepterait pas ; lesquels reproches se trouvent d’ailleurs dans le Coran, lui-même. Et alors que faire ? Car à ce rythme, il faudrait liquider le Coran aussi.

L’autre vision présente le Coran comme un corpus qui s’expliquerait par lui-même, la même vision que l’on trouve chez des littéralistes, mais qui l’étendent à la Sunna, en avançant que tout est dans les Textes. Pour ces deux tendances pourtant opposées et en conflits, le Texte parlerait avec lui-même. Tellement complet, parfait et achevé qu’il n’aurait pas besoin d’initiative ni d’intervention humaine, même s’il s’agit du Prophète, lui-même.

Selon ces deux visions antagonistes, Mahomet est réduit à un simple facteur qui transmettrait passivement un courrier de la part de Dieu : le Coran uniquement, pour les uns ; le Coran et la Sunna, pour les autres. Mais dans les deux cas, Mahomet disparaît complètement derrière la notion de la Révélation, réduit à un simple narrateur fidèle. Un Prophète dont la personne subjective est muette. Cette lecture au fond, est méprisante de l’homme, car elle lui refuse toute participation au processus de la communication de la Révélation. Elle reste idéologiquement sourde au Coran, qui présente pourtant Mahomet comme un modèle, lui demandant d’éduquer ses disciples et d’enseigner le Livre et la sagesse après l’avoir correctement et intégralement transmis (2 : 129) ; (3 : 164) ; (62 : 2). Ce verset qui revient trois fois dans le Coran indique bien que le Prophète est messager et message en même temps. L’islam ne propose pas le modèle d’un Verbe qui s’est fait Chair, un Dieu incarné. Par contre il s’agit d’un Livre et d’un homme, Mahomet.

Non seulement, pour nous, le Coran renvoie à la Sunna -qui n’est pas toute authentique, selon les spécialistes du hadith (muhadithûn-s) eux-mêmes, et comme nous l’avions souligné au début- mais aussi aux Anciennes Écritures (Premier et Deuxième Testaments) dont il est le continuateur. Selon une approche interscripturaire, ces Écritures sont lues à la lumière du Coran et non pas le contraire, comme le faisait beaucoup d’exégètes médiévaux classiques.
Le Coran va plus loin encore dans son ouverture, en élargissant le champ de la vérité de Dieu à deux autres livres : le livre cosmique, celui de la nature ; et le livre intérieur, celui de la raison. Ce qui signifie que le Coran est d’une cohérence ouverte, universelle et non essentialiste, autocentrée sur elle-même. Elle est trialogique : Raison-Révélation-Réalité. (…)

Tareq Oubrou – 2017

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