Effectivement, le « moment coranique » a été une période théologiquement sensible et grave par essence. Il n’y fallait pas provoquer la révélation tous azimuts sur des sujets normatifs. Car ils auraient engagé les musulmans qui viendraient après et qui se verraient obligés de se conformer à des lois peut-être uniquement circonstancielles, mais qui auraient pu être comprises comme absolues.
C’est à ce titre que le Prophète a précisé : « Le plus dévoyé – subversif – parmi vous est celui qui pose une question sur une chose qui n’était pas interdite et qui le deviendrait à cause de son obstination à en connaître la réponse[1]. » Je ne peux dénombrer ici le nombre de textes qui mettent en garde contre l’obsession législative. « La religion est – censée être – facile, et celui qui veut la rendre difficile sera fatalement vaincu […][2]», prévient encore le Prophète.
Notons que même les enseignements scripturaires établis ne sont pas systématiquement des obligations et ne sont pas tous à pratiquer, comme nous l’avions indiqué dans le premier chapitre. Mais il y a des musulmans qui n’entendent pas les enseignements du Coran et du Prophète ou ne veulent pas les écouter. Ils ne le font qu’en fonction de leur désir en se prenant pour des héros. Arrogants, ils préparent leur propre chute et vont témérairement à leur ruine spirituelle.
Ils finiront un jour par se lasser, se briser sur le rocher d’une réalité imprévue ou tout simplement verront s’évanouir leur foi progressivement sous l’effet de l’érosion des événements et de l’usure du temps. Le sage bédouin ne s’encombre pas de bagages quand il se prépare à traverser le désert.
1. Muslim via Saad, Ikmâl al-mu‘lim bi fawâ’id muslim d’AlQadî Ayyad, Dâr al-Wafâ, Al-Mansûra (Égypte), 1998, t. viii, no 2358, p. 328-329.
2. Bukhârî via Abu-Huraïra in Fath al Barî d’Ibn-Hajar, Dâr alFikr, Beyrouth, 1990, t. i, no 39, p. 130.
Appel à la réconciliation : Foi musulmane et valeurs de la République française – Tareq Oubrou – Édition Tribune Libre Plon 2019 – p113 à 114