jeudi, novembre 21 2024

Ce droit donne à tout citoyen la liberté de conscience, d’être croyant ou pas, de pratiquer sa religion ou pas, d’être musulman, de le rester ou pas. La République n’a même pas à savoir ce que pense une religion tant que celle-ci ne cherche pas à lui dicter ses lois.Ce que nous allons aborder ici n’est pas cet aspect de liberté de conscience qui est au fondement de notre République laïque. Cela va de soi. Il s’agit plutôt de la liberté de conscience en islam, car il est interrogé sur ce point.

Et là aussi il faut dissiper certaines idées reçues. Elles ne partent pas de nulle part, mais bien d’un droit canonique qui relève d’une autre époque. Il s’agit plus précisément de la question de l’apostasie. Qu’en est-il réellement ?Une chose reste indiscutable : « Nulle contrainte n’est admise en religion », affirme catégoriquement le Coran (Cr. 2, 256), qui insiste : « Quiconque le veut qu’il croie et quiconque le veut qu’il mécroie » (Cr. 18, 29). Ces passages principiels sont clairs.

Il en existe d’autres dans le Coran.Personne ne peut s’ériger en directeur coercitif des consciences, pas même le Prophète. « Est-ce à toi de contraindre les gens pour entrer dans la foi ! » (Cr. 10, 99), l’interpelle le Coran d’un ton menaçant. « Il n’incombe à l’Envoyé de Dieu que la transmission – de Son message ! », lui intime un autre verset (Cr. 5, 99).Même quand il est entré victorieux à La Mecque, le Prophète n’a pas imposé sa religion aux habitants idolâtres : « Aucun reproche ne vous sera fait. Que Dieu vous pardonne, il est le plus miséricordieux ! », leur a-t-il dit (Ibn As-Sunnî).

Il leur pardonna inconditionnellement, alors qu’ils avaient persécuté, tué ses compagnons et même des membres de sa propre famille.Il n’a exigé aucun repentir, encore moins de conversion. Comme il n’a jamais été question d’imposer la foi, il n’a jamais été question non plus de maintenir dans la foi celui qui ne s’y reconnaît plus. Pour ce dernier cas, on parle de l’apostasie, ar-ridât en arabe.En effet, des textes autorisent clairement le musulman à sortir de l’islam s’il perd la foi, n’éprouve plus le besoin ni de raison de rester musulman. Le bon sens veut qu’on ne force pas quelqu’un à vivre hypocritement musulman. De même, concernant de nombreux musulmans qui ne sont pas vraiment musulmans si ce n’est que par culture et habitus. D’ailleurs, ce n’est dans l’intérêt d’aucune communauté religieuse d’obliger quelqu’un à y entrer et de le retenir contre son gré. Ce serait faire entrer ou garder un loup dans la bergerie. L’hypocrisie est dangereuse pour la religion.

C’est ce qui s’est produit à l’époque du Prophète, lorsqu’un groupe s’est converti librement mais hypocritement à l’islam pour nuire au Prophète. Le Coran rapporte certaines de leurs nuisances. Un chapitre entier (n° 63) porte leur nom : « Les hypocrites ». Leur hostilité était encore plus redoutable que les ennemis déclarés. Le Prophète interdit d’user de violence contre eux tant qu’ils se déclarent musulmans et tant qu’ils ne portent pas les armes contre les musulmans, sinon « les gens diraient alors que Mohamed tue les siens », explique le Prophète (Al-Bukhârî).En effet, ce que les textes condamnent, c’est l’incroyance ou l’apostasie accompagnée de rébellion armée. Quant à celui qui a rompu son allégeance religieuse et même politique en demandant pacifiquement asile politique ailleurs, le Prophète ne l’a pas retenu, comme le montre le pacte de Hudaybiya, le traité de paix signé avec les Mecquois, alors idolâtres et ennemis des musulmans.Il contient notamment un article qui stipule que le Prophète n’a pas à retenir un musulman médinois s’il veut quitter la foi et Médine pour rejoindre le camp mecquois, c’est-à-dire rompre à la fois son allégeance religieuse musulmane et son allégeance politique.

Le Prophète respecta à la lettre cet engagement.Mais il ne faudrait pas se méprendre là aussi. Il ne s’agit pas d’une tolérance sous la contrainte, car le Prophète a signé ce pacte à un moment où l’islam triomphait et gagnait du terrain.Mahomet n’a d’ailleurs pas attendu ce pacte pour autoriser l’apostasie et le renoncement à la « citoyenneté » médinoise, comme l’a demandé un converti qui décida de renoncer à l’islam, de quitter Médine et de rejoindre sa tribu d’origine qui était idolâtre. Le Prophète ne l’a pas empêché (Al-Bukhârî et Muslim).

En effet, tant que l’apostasie se faisait pacifiquement, il n’y avait pas de raison de la condamner. Nous avons un texte précisant que même en cas de rébellion armée, le Prophète s’est abstenu d’appliquer la peine capitale à deux musulmans qui quittèrent l’islam pour devenir des émissaires de Musaïlima, alors que ce chef d’une grande tribu Banû Hanîfa avait déclaré la guerre au Prophète. Ce dernier lui envoya les deux ex-musulmans avec une lettre où il demandait de partager avec lui la prophétie, le pouvoir et la terre. Malgré la trahison des deux apostats de rejoindre Musaylima, pour devenir ses ambassadeurs et prendre les armes contre le Prophète, ce dernier leur assure qu’il respectera leur immunité diplomatique (Ahmed), comme le veulent les conventions et le droit international déjà en vigueur à cette époque.

Quelle place pour l’Islam dans la République ? pour les Nuls – ça fait débat – FIRST Édition – 2021 – Tareq Oubrou – P95 à 97

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