Le sens littéral du mot « calife » veut dire successeur, celui qui vient remplacer.
L’homme, calife de Dieu
Avant de créer Adam, Dieu informa les anges : « Je ferai un successeur (calife) sur terre ! » (Cr. 2 : 30). Il choisit l’être humain qu’il fit à son image (Bukhârî et Muslim), destiné à être son lieutenant et son vicaire. Cette charge (amâna) à laquelle l’homme a consenti et osé assumer, les cieux et la terre les leur avaient auparavant refusés (Cr. 33 : 72). Être calife de Dieu, c’est assumer pleinement sa liberté et donc sa responsabilité.
Le cas du prophète et roi David
David concentrait à lui seul presque toutes les compétences : physiques, militaires, politiques, judiciaires, spirituelles. Le Coran le qualifia de vicaire de Dieu : « Ô David, nous avons fait de toi un vicaire (calife) sur terre, juge donc en toute équité parmi les gens et ne suis pas la passion, sinon elle t’égarera du chemin de Dieu » (Cr. 38 : 26). C’est la deuxième personne qualifiée de calife par le Coran après Adam. Qui dit Adam dit Ève.
Les êtres humains, tous califes
Le statut de calife est étendu à tous les hommes : «… Et il a fait de vous des successeurs sur terre (califes) génération après génération. Y a-t-il une autre divinité avec Dieu ? C’est rare que vous vous en souveniez… » (Cr. 27 : 62). En effet, aux générations succèdent des générations assumant les épreuves et les responsabilités devant Dieu.
Le calife, successeur du Prophète
Cette notion oscille entre le politique et le théologique. Elle a fait débat entre les musulmans dès la mort du Prophète. Les sunnites pensent qu’elle est une fonction temporelle. Le calife est choisi par délibération (chûra). Il n’est pas censé être infaillible ni intellectuellement ni moralement. L’intégrité morale est nécessaire, mais la compétence politique compte beaucoup. Al-Juwaïni (1028-1085) résume la pensée théologico-politique sunnite en la matière : s’il n’y a que le choix entre une personne dont la moralité religieuse est très faible, mais politiquement très compétente et un homme très religieux voire un saint mais incompétent, c’est le premier qui doit être désigné calife. Les chiites considèrent que la succession du Prophète est testamentaire. Ils utilisent le mot « imam » à la place de calife. Leurs imams sont infaillibles et ne doivent commettre ni erreur intellectuelle ni faute morale grave. Ils doivent tous être de la famille du Prophète par le biais de la descendance issue du mariage de son gendre Ali avec sa fille Fatima. Leur nombre est défini selon les tendances. Les plus connus sont les imamites (notamment en Iran) qui sont au nombre de douze. Dans les faits, ni les critères sunnites ni ceux des chiites n’ont été respectés. Les élections et la délibération chez les sunnites notamment. Quant aux chiites, quand ils ont gouverné, c’est en l’absence de leurs imams. Or, quand ces derniers étaient vivants, ils n’ont pas gouverné. En Iran, ils sont aujourd’hui dirigés par un « guide suprême » en attendant le retour de leur douzième imam Mohamed ibn Al-Hassan Al-Mahdî né au ixe siècle et qui serait entré en « occultation ».
En général, et depuis l’émergence de la notion moderne de l’État nation, la notion de califat est tombée en désuétude de fait, notamment après l’abolition officielle en 1924 du califat ottoman, alors l’« homme malade de l’Europe ». L’effondrement de l’Empire ottoman a laissé derrière des États, parfois en tension, voire en guerre. Certains mouvements politiques islamistes tentent de restaurer le califat mais en vain, tellement le monde musulman est divisé et déchiré, et ce à tout point de vue.
Le coran pour les nuls en 50 notions clés – collection pour les nuls culture générale – Nov 2019 – Tareq Oubrou – p40 à 41