L’islam est une religion du Livre. Pour être plus précis, il est une religion des trois livres : le Livre révélé, le Coran ; le livre naturel ou cosmique ; et le livre intérieur : la raison humaine.Le Coran évoque les signes cosmiques (univers) et les signes intérieurs (raison), comme deux autres sources de la connaissance : « Nous allons leur montrer nos signes dans les horizons et en eux-mêmes pour qu’ils perçoivent clairement la vérité », affirme-t-il (Cr. 41, 53). Il y a donc trois modes de savoir : le monde extérieur, la conscience humaine et la révélation divine.
Pour la raison humaine, dès le départ celle-ci a été incorporée à la Révélation coranique. La mettre en cause, c’est mettre en cause le Coran lui-même. Les premiers à donner un statut élevé à la raison sont certainement les théologiens mutazilites dès le viiie siècle qui ont marqué à jamais la théologie musulmane, mais aussi les fondements du droit. Ils ne furent pas les seuls, des théologiens acharites et hanbalites notamment ont aussi défendu l’usage de la raison, mais chacun à sa manière.Le théologien acharite Al-Ghazâli (ma‘âriju alquds) est allé jusqu’à déclarer : « La Révélation divine est une raison de l’extérieur et la raison humaine est une révélation divine de l’intérieur. »
C’est ainsi qu’il commenta le verset de la Lumière qui dit « Lumière sur lumière » (Cr. 24, 35). C’est-à-dire que les lumières de la transcendance viennent rejoindre harmonieusement les lumières de l’immanence humaine.L’autre théologien qui s’est attaché à la raison est Ahmed Ibn- Taïmya, un hanbalite on ne peut plus orthodoxe pourtant. Il est l’auteur d’un ouvrage en cinq volumes dont le titre évocateur est La réfutation de toute contradiction entre la source scripturaire authentique et la raison formelle.Enfin, il y a le cas d’Averroès, le philosophe musulman.
Se référant aux passages du Coran qui parlent de la hikma, la sagesse universelle, il n’hésite pas en tant que canoniste mufti cette fois-ci, et non en tant que philosophe, à écrire son célèbre ouvrage Le Discours décisif (façl al-maqâl) sous forme de fatwâ. Outre être un mufti malikite, c’est aussi un juge (cadi). Son jugement est sans appel ! Pour lui, la hikma dont parle le Coran n’est autre chose que la philosophie dont l’étymologie est justement « l’amour de la sagesse ».Non seulement philosopher pour Averroès ne se pratique pas en dehors de la foi et de la religion, mais elle est une obligation de la sharia, une loi divine.
Quelle place pour l’Islam dans la République ? pour les Nuls – ça fait débat – FIRST Édition – 2021 – Tareq Oubrou – p103 à 104