La Révélation coranique est entrée dans le monde par le biais de l’audition. Le seul moyen pour le cheminant d’en saisir les significations profondes est d’avoir un niveau d’écoute très poussé : « Quand le Coran est récité, écoutez- le, et écoutez- le bien1. » Mais il s’agit aussi d’une écoute éclectique et de discernement, et d’être parmi « ceux qui écoutent les paroles [enseignements] [et] suivent les meilleures2 ». C’est pour cette raison que, dans l’expérience soufie, tout commence par l’éthique de l’écoute des enseignements révélés, comme un préalable nécessaire pour comprendre.
Il existe plusieurs niveaux d’écoute. La Révélation coranique, selon un hadith du prophète, admet un sens extérieur (zahr) et un sens intérieur (batn). Ce même hadith précise que tout verset comporte un moment d’ascension (matla‘), c’est- à- dire un pouvoir anagogique qui conduit vers le haut et ouvre la voie vers un sens qui permet l’élévation spirituelle vers la Réalité suprême. L’apparent voile le caché, mais parfois l’évidence du caché vient voiler l’apparent par un mystérieux jeu de miroirs. Le Coran reste à l’image de son auteur : il enseigne que Lui, Dieu, l’Unique, est aussi bien l’Apparent, Az- Zâhir, que le Caché, Al- Bâtin3.
Il ne faut pas confondre cette démarche ésotérique soufie avec un certain occultisme (al- bâtiniyya) qui stipule que la vérité énoncée dans le Coran n’est pas dans sa lettre, et donc ne sert à rien. Selon cette tendance, la vérité, exclusivement occulte, est dans la main d’une élite : les Imams considérés comme infaillibles1. Cela revient en définitive à supprimer la lettre du Coran pour lui substituer celle du maître à penser. Certes, la lettre, pour être nécessaire, n’est pas suffisante, mais sans elle il n’y aura pas de sens ésotérique, allégorique, parabolique, métaphorique…Un esprit sans corps serait un fantôme, une chimère.
1. Coran (7:204).
2. Coran (39:18).
3. Coran (57:3).
CE QUE VOUS NE SAVEZ PAS SUR L’ISLAM Edition Fayard 2016 – p213 à 226
Tareq Oubrou