Carl Schmitt, dans sa Théologie politique, démontre que les notions de la philosophie politique moderne – le pouvoir, la souveraineté, le législateur, etc. – ne sont que des notions de théologie politique sécularisée. À ce titre, la sécularisation serait comme une énergie : rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme. Le Coran a repris cette histoire biblique du rapport antagoniste entre le prophète et le roi. Le style est laconique, avec des ellipses et des omissions volontaires[1].
Ce qui intéresse le Coran, ce ne sont pas les détails, mais l’enseignement moral du récit des prophètes, notamment d’Israël[2]. Ce récit vient en soutien au Prophète Mahomet, qui avait besoin d’être réconforté : « Nous te contons, parmi les récits des messagers, ce avec quoi Nous affermissons ton cœur[3] », dit le Coran. C’est donc à travers l’expérience des prophètes de la Bible que Mahomet a appris sa fonction de prophète, notamment dans son rapport au pouvoir politique. En effet, il doit affronter une oligarchie mecquoise qui détient un triple pouvoir – politique, économique, symbolique ou religieux – et qui voit en l’islam une menace. Pour cela, il lui faut suivre l’exemple des prophètes qui l’ont précédé, comme le lui demande le Coran[4]. Suivre leur exemple ne veut pas dire reproduire leur expérience, mais s’en inspirer pour mieux assumer sa mission dans son contexte.
Car si le message de tous prophètes est le même, leur histoire diffère. Parmi les prophètes qui ont eu un certain rapport au politique, les plus marquants sont Abraham (Ibrâhîm dans le Coran), Joseph (Yûsûf), Moïse (Mûsâ), Saül et Samuel, David, Salomon (Sulaymân), et surtout Jésus (‘Îsâ) (…)
1. Généralement, les exégètes musulmans recourent à la Bible pour essayer de combler ce manque d’informations. On appelle ce procédé al-isrâ’iliyyât (les histoires israélites).
2. Ceux que la Bible considère comme des patriarches, le Coran les considère aussi comme des prophètes : Abraham, Jacob, Isaac, Joseph…
3. Coran (11:120).
4. Coran (6:90).
Ce que vous ne savez pas sur l’islam – p95-96 – Edition Fayard 2016 – Tareq Oubrou